samedi 5 juillet 2014

La cachette des momies royales : histoire d'une découverte (1)


En juillet 1881 est découverte, sur la rive ouest de Louxor, la "cachette des momies royales", connue sous la référence "DB 320". C'est l'un des épisodes les plus rocambolesques… et les plus riches de l'égyptologie. Quatre "Unes" ne seront pas de trop pour relater cette aventure.

En fait, elle débute 10 ans plus tôt, en 1871, à Gournah, plus précisément au pied du rocher de Chaak el-Tablyah (vers Deir el-Bahari), pour, après moult rebondissements, se terminer au musée du Caire, sans omettre un passage par la case "prison" de Qenah en 1881. 

Cette découverte de la DB 320 par la famille Abd el-Rassoul a été racontée, embellie, ou dramatisée au fil des années et des narrateurs. Voici une tentative de restitution. 

Les faits "bruts" sont ceux relatés par Gaston Maspero dans "Les momies royales de Deir el-Bahari". Mais il était tentant d'y mettre une part d'autres récits, peut-être un peu moins "circonstanciés", mais qui ajoutent du sel à l'aventure.

Des personnages hauts en couleur, des lieux chargés d'histoire, des trésors, des momies "errantes", traitées comme du poisson fumé, puis exposées, parfois démaillotées… mieux qu'une série télé!

1er épisode : 
Le lieu - Les protagonistes


Secteur du cirque rocheux de Deir el-Bahari
dans lequel a été découverte la cachette des momies royales


Gournah aux XVIIIe et XIXe siècles
Gournah se situe sur la rive ouest de Louxor, au delà des terres cultivables, là où commence le désert. Des maisons accrochées à la montagne thébaine, des habitants qui vivent sur et dans les tombes des nobles. Un emplacement au cœur des nécropoles, face aux temples des millions d'années, tout proche du cirque rocheux de Deir el-Bahari. C'est aussi le passage "obligé" pour se rendre à la Vallée des Rois. 

La réputation du lieu n’a jamais été bonne. Voici ce que rapporte Richard Pococke qui s'y rendit en 1743 : "Cette vallée est le refuge des rois et des voleurs." En 1769, James Bruce parle "de malfaiteurs hors-la-loi". Les savants de Napoléon, à leur arrivée, furent également accueillis à coups de carabine par les "brigands thébains". En 1830, alors qu'ils explorent les hypogées de Biban el-Moulouk, Champollion et ses "argonautes" réussiront cependant à s'installer à "Kourna" dans un "palais de boue séchée" avant d'élire domicile dans les tombes ramessides.

La famille Abd el-Rassoul

Les Abd el-Rassoul "descendent en droite ligne des guerriers Horabat". C'est une grande et vieille famille très respectée. C'est aussi un "clan" dont le nom est clairement associé au qualificatif de "pilleurs de tombes". Ce que l'on ne peut nier, c'est qu'ils ont, à leur manière, d'une façon très "détournée" participé à l'histoire de l'égyptologie.

Leur maison est située dans l'axe de la grande colonnade du Ramasseum, à flanc de colline, non loin de celle de Wilkinson. Elle a bien fière allure à côté des autres faites de boue séchée. "C'est là, dans la cour protégée du soleil, que se tenaient toutes les cérémonies importantes." 

Charles Wilbour, américain passionné d'antiquités, qui viendra à plusieurs reprises - on le verra plus tard - notamment pour négocier l'achat de papyrus -, calligraphiera pour eux cette pancarte : "La nouvelle maison blanche, propriété des Abd el-Rassoul". Quelques ouvrages laissent supposer qu'elle est construite sur la tombe attribuée à la famille de Pinedjem Ier, un important prêtre d'Amon de la XXIe dynastie.

Les égyptologues et-ou collectionneurs

Les principales personnes qui chercheront à confondre le clan sont : Gaston Maspero, Emile Brugsch, Ahmed Effendi Kamal (services des Antiquités), Charles E. Wilbour (collectionneur américain). 

Quant à Moustapha Agha (vice-consul honoraire de Grande-Bretagne, de Belgique et de Russie à Thèbes, mais également collectionneur et trafiquant), il est par ses multiples "activités" et son implication, difficilement "classable".

1871 : la découverte de la cachette des momies 

Au cours de l'été 1871, derrière le cirque rocheux tout proche de Deir el-Bahari, Mohamed, Ahmed, Hussein et Soliman, quatre frères de la famille Abd el-Rassoul, cherchent l'une de leurs chèvres égarée ou, selon une autre version, chassent le chacal. 

Ils trouvent un orifice dans le rocher de Chaak el-Tablyah. Un caillou lancé retombe très loin. Nul doute : une tombe ! Une corde et les voilà descendant dans les entrailles de la montagne. 
À la lueur de bougies, ils découvrent des trésors, empilés pêle-mêle : momies, sarcophages, papyrus, vases d'albâtre, ouchebtis… déposés là à la hâte. Ils décident de sceller ce secret, de n'en rien dire. 

"Ils descendirent trois fois en dix ans au fond de leur cachette : c'était de nuit, pour quelques heures seulement, et les mesures étaient si bien prises que personne autour d'eux ne soupçonna l'importance de la découverte. Chaque hiver, ils vendaient aux voyageurs quelque chose du butin qu'ils avaient rapporté de ces expéditions."

marie grillot

Deuxième épisode
Troisième épisode
Quatrième épisode


sources : 
Maspero Gaston, Les momies royales de Deir el-Bahari
Maspero Gaston, Rapport sur la trouvaille de Deir el-Bahari - Institut Egyptien - bulletin n° 2 - 1881
Gaston Maspero, Elisabeth David, Pygmalion, 1999
Reeves Nicholas, Wilkinson Richard H., The complete valley of the kings
Rommer John, La vallée des rois 
Carter Howard, La fabuleuse découverte de la tombe de Toutankhamon 
Ceram C.W., Des dieux, des tombes, des savants
Dauber Maximilien, Un village au bord du Nil
Ehlebracht Peter, Sauvez les pyramides 
Montet Pierre, Isis ou à la recherche de l'Egype ensevelie
Vercoutter Jean,  A la recherche de l'Egypte oubliée 
http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Momie_(film,_1969)
https://archive.org/details/The_Night_of_Counting_the_Years


Illustration : Le village de Gournah à l'époque de la découverte.En incrustation, l'un des frères Abd el-Rassoul qui y vivait encore dans les années 40 
(photos collection MG)
Deuxième épisode

1 commentaire:

  1. Superbe, merci pour cet article .....je vais immédiatement vers le deuxième épisode

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