Les mots de Jean Leclant donnent la hauteur du personnage : "Avec Gaston Maspero, nous sommes en présence d'un immense savant, un maître dans les domaines conjugués de l'archéologie, de la philologie et de l'histoire, le dernier sans doute qui put encore maîtriser l'ensemble de plus de trente siècles de la gloire des Pharaons." Quant à ceux de Christiane Desroches Noblecourt, ils en donnent la dimension : "Certes Gaston Maspero fut, dans son temps, et restera toujours un des colosses de l'égyptologie, issue de la lignée de Champollion et de Mariette Pacha, mais un colosse qui, à la naissance, n'était doté que de bien fragiles pieds d'argile."
Ses origines sont italiennes, mais les multiples aléas de son histoire familiale le font naître à Paris le 24 juin 1846. Gaston Camille Charles Maspero est un enfant sage et surdoué. À 12 ans, il découvre l'égyptologie en lisant le "Manuel de l'histoire ancienne" de Victor Duruy. C'est le début d'une passion qui jamais ne se démentira. Élève brillant à Louis-le-Grand, il intègre Normale Supérieure en 1865.
En 1867, Auguste Mariette est à Paris pour l'Exposition universelle. Lors d'un dîner, il surprend la conversation de deux "agrégatifs" parlant de l'un de leurs camarades "capable d'expliquer sans hésiter ce qui était gravé sur l'obélisque dit l'un, sur les stèles du Louvre dit l'autre". Mariette, sceptique, lui fait parvenir pour traduction le texte de la Stèle du Songe qu'il vient de découvrir au Gebel Barkal. Huit jours plus tard, il en reçoit la traduction : "Ce jeune homme, dit-il, promet d'être un égyptologue de première force, au moins comme philologue, il faut qu'il continue !"
Après un séjour en Uruguay, Maspero revient à Paris où Emmanuel de Rougé lui fait attribuer le poste de répétiteur à l'École pratique des Hautes études. À sa mort, en 1872, il le remplace à la chaire d'égyptologie du Collège de France. Il y restera 40 ans ! Pendant ces nombreuses années, il aura des élèves prestigieux : l'impératrice Eugénie qui, avant de se rendre en Égypte pour l'inauguration de Suez, souhaite se familiariser avec le monde pharaonique, Rochemonteix, Wilbour, Bouriant, Schiaparelli…
Le 18 janvier 1873, il soutient sa thèse "Du genre épistolaire chez les Égyptiens de l'Égypte pharaonique". Un sujet pour le moins "hermétique", qui reçoit un accueil un peu froid par Chabas : "Ce qu'il y a de remarquable dans votre travail ne sera sûrement apprécié que par les seuls égyptologues ; eux seuls aussi en verront les points faibles."
Maspero a l'idée de créer, en Égypte, une école semblable à celle de Rome ou celle d'Athènes. Il en trace le projet, revu par Ernest Renan. Début janvier 1881, il arrive au Caire alors que le 18, Mariette y meurt… "Je suis arrivé à temps pour voir encore le pauvre Mariette". Le 8 février Maspero est nommé directeur du musée de Boulaq et des fouilles "khédivales". Il appréhende la fonction et confie à un ami : "Il va falloir monter à cheval, courir, diriger les ouvriers, faire des fouilles : je ne vois pas encore comment je m'en tirerai, mais j'apprendrai."
Lepsius le félicite ainsi : "S'il est une consolation à la pensée de ne plus voir Mariette à Boulaq, c'est assurément le bonheur de vous y revoir et de savoir que tout est sauvé par vos mains."
L'école du Caire (qui deviendra en 1898 l'IFAO) est installée. Dès lors, pendant plus de 35 ans, Maspero ne cessera d'être présent sur la scène de l'égyptologie. Il est à la tête du service des antiquités par deux fois, de 1881 à 1886, puis de 1899 à 1914.
Après une première exploration des différents sites, il définit une politique de réorganisation du musée et des chantiers de fouilles. Il met en place une protection des sites, crée de nouveaux postes d'inspecteurs… Pour mener à bien ces actions, il a besoin de fonds. Il décide également d'ouvrir les explorations aux équipes étrangères : "Il me parut d'une part que les savants seraient heureux de s'associer à nous pour le découverte et qu'en les invitant à fouiller en Égypte, sous certaines conditions, nous satisferions les besoins légitimes de la science tout en sauvegardant les droits du pays et en remplissant les salles de nos musées."
C'est ainsi qu'il est proche d'Amelia Edwards (qui dit de lui avec humour : "Il n'y a qu'un seul Maspero et ABE (Amelia Blanford Edwards) est son prophète") et de l' Egypt Exploration Found. Il met en place une taxe sur les visites (en 1888, 1LE pour toute la Haute Égypte et 5 piastres pour le musée !), fait appel à des mécènes : les Rothschild, la maison Hachette, la Gazette des Beaux-Arts… Et plus curieusement, il met en vente des antiquités du musée (ouchebtis, amulettes, momies). Il en profite alors pour acheter "quelques babioles pour sa femme".
C'est ainsi que de nombreux objets de la DB 320 sont disséminés. L'occasion de rappeler que c'est lors de ses vacances en France, en été 1881, qu'a été découverte la cachette des momies royales près de Deir el-Bahari (DB 320). Il avait alors mandaté Brugsh afin de superviser la découverte et celui-ci lui avait écrit : "La tête me tourne encore de cette découverte. Ça vaut bien le Sérapeum de Memphis."
En 1886, Maspero quitte le service pour raisons de santé et, rentré en France, il revient à l'enseignement et se consacre à ses publications. Le service des antiquités est confié à Eugène Grébaut, puis à Jacques de Morgan ; mais, en 1899, Maspero est de retour. Il travaille sur de nombreux sites, à Karnak, à Thèbes Ouest, en Nubie, à Abou Simbel. Il doit faire face à de nombreux litiges avec les fouilleurs qui déboucheront sur un décret sur la protection des antiquités. Il est à la tête du service lors de l'affaire de Saqqarah avec Carter. Il supervise l'installation du nouveau musée place Tahrir… Il est partout et il s'épuise.
En 1914, fatigué, il quitte le Caire ne se consacrant plus qu'à l'enseignement et à ses publications. Selon son expression, "le moment approchait où ses ailes commençaient à se fatiguer de tenir l'air et où il fallait songer à les replier".
Il meurt 30 juin 1916, en pleine séance de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres.
marie grillot
sources :
Gaston Maspero, Elisabeth David, Pygmalion, 1999Histoire de la Vallée des Rois, John Romer, Vernal – Philippe Lebaud, 1991http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1998_num_142_4_15937
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1917_num_61_6_73917
http://fr.wikipedia.org/wiki/Gaston_Maspero
http://www.inha.fr/fr/ressources/publications/dictionnaire-critique-des-historiens-de-l-art/maspero-gaston.html
http://www.aibl.fr/membres/academiciens-depuis-1663/article/maspero-gaston-camille-charles
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