Nous lui renouvelons notre plus cordial merci.
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“L'égyptologie française [a perdu] l'une de ses grandes figures. Jean Yoyotte est mort à Paris le 1er juillet [2009] à l'âge de 81 ans. Les connaissances encyclopédiques de cet "historien de l'Antiquité", comme il aimait à se définir, faisaient de lui l'un des meilleurs connaisseurs de la civilisation pharaonique.
De père martiniquais, Jean Yoyotte a passé son enfance à Paris. Sa vocation est née en classe de 6e, au lycée Henri-IV. Il participe alors, avec son camarade Serge Sauneron - futur directeur de l'Institut français d'archéologie orientale (IFAO) - à un "club égyptien", organisé par le professeur de dessin.
À 15 ans, il obtient une autorisation spéciale pour suivre les cours de l'École du Louvre. Il ne tarde pas à devenir l'élève - et le disciple - de l'égyptologue Georges Posener à l'École pratique des hautes études (EPHE). Il entre au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à l'âge de 22 ans, avant d'être pensionnaire de l'IFAO, au Caire, de 1952 à 1956. C'est une période agitée, au cours de laquelle l'Égypte, devenue république nassérienne, tourne le dos à la France. Cela n'empêche pas Jean Yoyotte d'être conquis par les Égyptiens.
En 1964, cet homme mince, au visage sévère, mais capable de surprendre par des tenues vestimentaires insolites, occupe le poste de directeur d'études pour la religion de l'Égypte ancienne à l'EPHE. La même année, il succède à Pierre Montet à la direction des fouilles de Tanis, dans le Delta égyptien : une zone austère, ignorée des touristes comme d'ailleurs de la plupart des spécialistes. C'est à Tanis que Pierre Montet avait découvert, en 1939, la nécropole des rois tanites : un véritable trésor, éclipsé cependant par le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.
Jean Yoyotte y dirigera les fouilles pendant une vingtaine d'années, alternant le travail sur le terrain et l'étude des textes, l'archéologie et la philologie. À Tanis, il n'y a plus de trésor à découvrir , mais des monuments et des sols à analyser, pour reconstituer l'histoire d'une ville frontière et les transformations écologiques survenues dans cette région au cours des siècles.
Passionné de géographie historique, Jean Yoyotte a été un précurseur. Grâce à lui et à quelques autres, on sait désormais que la civilisation pharaonique ne s'est pas arrêtée à la fin du Nouvel Empire et que le premier millénaire avant notre ère n'a pas été seulement en Égypte un temps de décadence et de chaos. On a découvert aussi toute la richesse historique du Delta, lieu d'échanges et de confrontations entre les Égyptiens et leurs voisins (Libyens, Phéniciens, Assyriens, Babyloniens...).
Étendant ses recherches à une période ultérieure, Jean Yoyotte s'est intéressé à la manière dont les occupants successifs de la vallée du Nil (Perses, Grecs, Romains) se sont assimilés au pays conquis et ont été en quelque sorte absorbés par lui.
Jean Yoyotte n'a pas écrit le grand livre sur le Delta égyptien qu'on aurait pu attendre de lui, mais des articles remarqués, d'une rare densité. Il est le coauteur, avec Georges Posener et Serge Sauneron, d'un indispensable “Dictionnaire de la civilisation égyptienne” (Hazan, 1959). Par la suite, il a publié deux ouvrages de référence avec Pascal Vernus : “Dictionnaire des pharaons” (Tempus, Perrin, 2004) et “Bestiaire des pharaons” (Perrin, 2005).
Insatiable curiosité
Son goût des objets et son insatiable curiosité empêchaient Jean Yoyotte de s'enfermer dans une spécialité. Il a été, entre autres, le conseiller scientifique de l'Institut d'archéologie sous-marine de Franck Goddio, qui a fait des fouilles très fructueuses au large d'Alexandrie.
Jusqu'au bout, il a abordé l'égyptologie avec passion. D'un caractère entier, bougon, caustique, ne se limitant pas à dénoncer des charlatans et des imposteurs, il s'en est pris parfois à d'éminents collègues, en termes très vifs. On l'a vu ainsi s'engager dans des polémiques sur la pyramide de Kheops, l'emplacement de l'ancien phare d'Alexandrie ou une statue douteuse de Sésostris III achetée par l'homme d'affaires et collectionneur François Pinault…
Excellent vulgarisateur, Jean Yoyotte se prêtait volontiers aux interviews dans les médias, tout en souffrant de ne pas être reconnu à sa juste valeur. Il admettait mal la notoriété de collègues qui lui paraissaient scientifiquement moins qualifiés que lui. Même son élection, en 1991, au Collège de France où il a enseigné jusqu'à sa retraite en 1997, n'a pas comblé chez lui une certaine frustration et un grand besoin de reconnaissance.
Jean Yoyotte a formé de nombreux égyptologues, à qui il a su communiquer sa passion du métier. L'engouement du public pour l'Égypte ancienne n'était pas pour lui déplaire, mais rien ne l'énervait autant qu'une présentation mystérieuse de celle-ci. "Il n'y a pas de mystères à éclaircir, disait-il, mais des enquêtes à mener et des problèmes à résoudre. L'égyptologie n'est pas une science oraculaire, élucidant des mystères à coup de pioche et de génie, mais une branche parmi d'autres des sciences humaines et sociales." Il comparait la corporation internationale des égyptologues à un juge d'instruction qui, "à force de compilations, de discussions, d'hypothèses et de vérifications, établit un savoir solide mais en renouvellement perpétuel". Jean Yoyotte n'aura pas cessé d'instruire, dans tous les sens du terme.”
Robert Solé
Repères biographiques
4 août 1927 : naissance de Jean Yoyotte à Lyon
1952-1956 : pensionnaire à l'IFAO, au Caire
1964 : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
1964-1985 : directeur des fouilles du site de Tanis, en Égypte
1991-1997 : professeur au Collège de France
1er juillet 2009: mort à Paris
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