samedi 28 juin 2014

Description de la campagne d’Égypte

Cassia acutifolia
Gravure originale in plano, non rognée, extraite de l''Édition Impériale de la “Description de l'Égypte ou Recueil des observations et recherches faites en Égypte pendant l'expédition française”, publié par les ordres de Sa Majesté l'Empereur Napoléon le Grand. Réalisée entre 1802 et 1830 et publiée entre 1809 et 1828, elle fut tirée à 1000 exemplaires offerts aux institutions. Planche appartenant à la section Botanique, dont l'étude fut réalisée par Alire Raffeneau-Delile (1778-1850), botaniste français qui participa à la campagne d'Égypte, et qui en rapporta notamment le lotus et le papyrus.

Joseph-François Michaud (1767-1839) est un historien royaliste et pamphlétaire français.

En mai 1830, il entreprend avec Joseph Poujoulat, lui aussi historien, un voyage en Orient qui les mène en Grèce, en Asie Mineure, à Constantinople, en Palestine et en Égypte.

Pour relater ce périple, de 1833 à 1835, ils publient ensemble l'échange de leurs lettres dans “Correspondance d'Orient” (7 volumes).

Les lettres d’Égypte, d’où est extrait le récit que l’on lira ci-dessous, sont de la plume de Michaud. L’auteur y manifeste son intérêt pour l’Égypte chrétienne, pour la civilisation pharaonique et pour les réalités sociales de l’Égypte moderne de Méhémet-Ali. 

Ce qu’il écrit de la campagne égyptienne montre également qu’il est, comme le note Sarga Moussa, un "observateur attentif de la vie des paysans dans le Delta".

"Nous descendons souvent à terre, et nous nous éloignons quelquefois du rivage. La plupart des champs sont couverts de fèves parvenues maintenant à leur maturité. Vous savez que la fève était interdite à l’ancienne Égypte, et c’est la fève qui nourrit l’Égypte nouvelle. Nous avons vu plusieurs plantations de cannes à sucre. Je me suis rappelé que les cannes à sucre avaient fait les délices des Croisés lorsqu’ils arrivèrent pour la première fois en Syrie et en Égypte.
La vue du roseau ne m’a causé ni la même surprise, ni la même joie ; mais j’ai voulu en goûter le miel, qui m’a paru d’une douceur un peu fade. On ne fait du sucre que dans la Haute-Égypte. Les cannes du Delta se vendent au marché comme des fruits. On voit partout les femmes, les enfants, les gens de toute condition et de tout âge, porter à leur bouche des tronçons de cannes à sucre.
Dans les campagnes que nous parcourons, on cultive l’orge, le froment, le sésame, l’indigo, le doura, le maïs ou blé de Turquie. Nous avons retrouvé le maïs dans toutes les contrées de l’Orient, et quoi qu’en disent nos savants naturalistes, cette plante, devenue une des richesses de l’Italie et de la France méridionale, ne nous vient point du nouveau monde, mais de la Turquie et des pays limitrophes, des rives de l’Oronte et des bords du Nil.
Le lin, qui fournissait autrefois les plus beaux vêtements aux prêtres de Memphis, est encore un des plus riches produits de l’agriculture égyptienne. Le coton de l’Égypte, dont la culture a reçu de grandes améliorations, est préféré aujourd’hui dans les marchés d’Europe et du Bengale, et chaque année, il s’en exporte plus de deux cent mille quintaux pour les ports de France et d’Italie.
Les terres d’Égypte ne se reposent jamais : le blé succède au trèfle, le froment à l’orge, aux fèves. Chaque mois on voit à la fois des semences et des récoltes. Le fellah ne craint pour ses moissons ni la grêle, ni la sécheresse, ni la trop grande abondance des pluies. La disette ou la richesse de l’année ne dépend que des débordements du Nil.
Les campagnes du Delta sont peu boisées. De rares plantations se font remarquer autour des villages. On y voit l’atlé, le sycomore, le cassier, le mimosa à la fleur jaune, l’ébénier à la feuille déliée. Depuis que nous avons quitté l’Europe, nous rencontrons partout l’oranger, le citronnier, le myrte. Tous ces arbres, qu’on ne trouve chez nous que dans les jardins du riche, peuvent quelquefois tromper le voyageur sur la prospérité du pays qu’il parcourt.
Je ne peux oublier le dattier, qui est une des magnificences de l’Égypte. Cet arbre nourrit les fellahs de ses fruits, qui leur fournit des bois de construction pour leurs chaumières, des paniers, des nattes, des cordages, cet arbre si utile est comme eux condamné un tribut au pacha : le moindre des palmiers paie vingt paras ; les plus beaux et les plus productifs paient jusqu’à une piastre et demie. Le fisc sait le nombre de ces arbres dans la Haute et dans la Basse-Égypte : et si j’en crois les calculs qui ont été faits, on compte jusqu’à cinq millions de palmiers dans toutes les régions que le Nil arrose, depuis Sienne jusqu’à Alexandrie et jusqu’à Damiette."

(extrait de "Correspondance d'Orient" - 1830-1831)

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