mercredi 12 mars 2025

Une déesse léonine "hybride" accroupie, adossée à un pilier…

Cercueil d'animal avec une statuette de la déesse lionne Ouadjet - tamaris, sycomore - Basse Époque (664 - 332 av. J.-C.)
découvert par Auguste Mariette en 1852 ? 1853 ? dans le "temple de Nectanébo - Sérapéum de Memphis - Saqqara-Nord ?"
Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre - N 5209 (par partage après fouilles)
photo © 2003 Musée du Louvre, Dist. GrandPalaisRmn / Christian Décamps

Cette déesse "léonine" est figurée sous une forme hybride : un corps féminin pourvu d'une tête de lionne à la belle crinière, mais privée de la coiffe qui la surmontait. Sa position est très curieuse : accroupie, son dos bien droit est plaqué contre un pilier qui va du postérieur à l'arrière du crâne, alors que ses mains reposent à plat sur ses genoux. Du socle épais sur lequel elle prenait place, seul subsiste l'avant où reposent ses pieds nus.


Cette représentation, haute de 26,8 cm, large de 11,8 cm et profonde de 13,2 cm, est sculptée en ronde bosse dans un bois de tamaris, alors que le dosseret est, lui, en sycomore. Elle est datée de la Basse Époque (664 - 332 av. J.-C.).

Cercueil d'animal avec une statuette de la déesse lionne Ouadjet - tamaris, sycomore - Basse Époque (664 - 332 av. J.-C.)
découvert par Auguste Mariette en 1852 ? 1853 ? dans le "temple de Nectanébo - Sérapéum de Memphis - Saqqara-Nord ?" 
Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre - N 5209 (par partage après fouilles) 

Dans le catalogue de l'exposition "Des animaux et des pharaons", Noëlle Timbart la présente ainsi sous le n° 280 : "Les égyptiens accordaient une place prépondérante aux déesses lionnes, des personnages généralement redoutables qu'il convenait d'apaiser. Parmi elles, la déesse Sekhmet répand les épidémies et la mort par l'intermédiaire de ses émissaires. Mais elle a aussi un rôle positif, fille de Rê, elle en devient l'œil sacré qui jette des flammes et détruit les ennemis de son père, tout particulièrement Apophis. C'est probablement elle qui est représentée ici".

Cependant il convient de rappeler que, dans l'Egypte ancienne, les déesses à tête de lion pouvaient être assimilées à plusieurs divinités : Sekhmet et Bastet bien sûr, mais encore Mout ou Ouadjet. Et c'est cette dernière que mentionne le cartel du musée du Louvre, où est exposé cet artefact sous le numéro d'inventaire 5209.


Si Ouadjet, déesse tutélaire de la Basse-Égypte originaire de la ville de Bouto, prenait le plus généralement l'apparence d'un cobra (uraeus), elle était aussi une déesse de l'Œil de Rê, adoptant alors un aspect léonin.

Cercueil d'animal avec une statuette de la déesse lionne Ouadjet - tamaris, sycomore - Basse Époque (664 - 332 av. J.-C.)
découvert par Auguste Mariette en 1852 ? 1853 ? dans le "temple de Nectanébo - Sérapéum de Memphis - Saqqara-Nord ?"
Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre - N 5209 (par partage après fouilles)
photo © 2003 Musée du Louvre, Dist. GrandPalaisRmn / Christian Décamps


Le grand musée parisien indique, en outre, qu'il s'agit là d'un "sarcophage d'animal"… Jean-Pierre Corteggiani explique en effet que : "Ces statuettes se sont souvent révélées être des cercueils d'ichneumon, représentant Ouadjet coiffée du disque solaire, de la couronne hathorique et des hautes plumes ou d'un grand uraeus dressé". Et il ajoute que : "Le fait que ce vivérridé soit un grand destructeur de serpents a tout naturellement poussé les Égyptiens à y voir une manifestation du dieu solaire triomphant de son éternel ennemi". Ce rongeur, qui ressemble à une mangouste ou à une musaraigne, bénéficiait ainsi d'un culte dans de nombreuses cités, comme Héliopolis, Létopolis, Bouto, Saïs, Athribis, Busbastis, …

 

La Basse-Epoque a vu se développer une véritable frénésie d'offrandes aux dieux de momies animales afin que vœux et prières soient exaucés… "Voici donc venu le temps où la vénération de l'animal sacré s'étend à l'espèce entière. Selon les villes ou les régions, on s'attache aux chats, aux chiens, aux ibis, aux faucons, aux poissons, aux musaraignes, aux ichneumons, aux serpents,… L'usage s'est imposé d'expédier ad patres un animal pour délivrer un message à une divinité…" précise Florence Maruéjol. Le sacrifice des animaux et leur momification devient dès lors pour les prêtres, un commerce aussi prolifique que lucratif, générant une activité allant jusqu'à remplir des nécropoles entières…


Cet artefact a été découvert par Auguste Mariette alors qu'il cherchait avec frénésie et passion à localiser, dans la nécropole Memphite, le Sérapéum… Il le trouva enfin le 12 novembre 1851 et le dégagea ensuite pendant de longs mois … Pendant cette intense période de fouilles, il mit au jour de nombreux vestiges et monuments datant de l'Ancien Empire aux Epoques Tardives. Selon la loi alors en vigueur régissant le partage des fouilles, le Service des antiquités d'Égypte accordera au fouilleur une partie des trouvailles. Ce sont ainsi plus de 6000 objets qui seront généreusement attribués à la France… Celui-ci provient du "temple de Nectanébo - Sérapéum de Memphis - Saqqara - Nord …

Auguste Mariette, égyptologue français 
(Boulogne-sur Mer, 11 février 1821 - Le Caire, 18 janvier 1881)

La XXXe dynastie avait vu l'avènement d'un nouveau pharaon : Nectanébo Ier, originaire de Sébennytos (ville du Delta du Nil) qui régna de - 380 à 362 av. J.-C.. Après le règne furtif de son fils Téos (362 - 360 av. J.-C.), son petit-fils Nectanébo II prendra le pourvoir, de 360 à 342 av. J.-C. Les "deux" Nectanébo laisseront de belles constructions dans différents sites du pays. Ils s'intéresseront notamment à la nécropole memphite, où ils feront construire le dromos menant au Sérapéum et où ils se feront édifier, pour le premier, un temple et, pour le second, un temple ainsi qu'une chapelle pour l'Apis…


marie grillot


sources : 

sarcophage d'animal, statuette, Ouadjet (déesse à tête de lionne)

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010008918

Auguste Mariette, Le Sérapeum de Memphis découvert et décrit par Auguste Mariette, Gide Libraire-Editeur, Paris 1857 - 1866

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6231404v

Jean Sainte Fare Garnot, Mélanges Mariette, BDE 32, IFAO, Le Caire, 1961

https://archive.org/stream/BdE-32/BdE%2032%20Sainte%20Fare%20Garnot%2C%20Jean%20-%20Mélanges%20Mariette%20%281961%29%20LR_djvu.txt

Elisabeth David, Mariette Pacha, 1821-1881, Pygmalion, 1994

Claudine Le Tourneur d’Ison, Mariette Pacha ou le rêve égyptien, Plon, 1999

Jean-Pierre Corteggiani, L'Egypte ancienne et ses dieux, Fayard, 2007

Hélène Guichard, Des animaux et des pharaons, le règne animal dans l'Egypte ancienne, cat. exp. (exposition itinérante Lens au Louvre-Lens 5/12/2014-09/03/2015, Madrid Caixa Forum 31/03/2015-23/08/2015, Barcelone CaixaForum 22/09/2015-10/01/2016), Paris, Somogy éditions d'art, 2014, p. 252, ill. p. 252, n° 280

Florence Maruéjol, L'Egypte ancienne pour les Nuls, First Editions, 2017

Jean-Louis Podvin, Auguste Mariette (1821-1881), Des berges de la Liane aux rives du Nil, L'Harmattan, 2020

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