Selon Georges Goyon ("La découverte des trésors de Tanis"), le Général Oundebaounded n'était pas un "personnage de sang royal, mais un grand prêtre de Khonsou et Chef des Archers de pharaon. Il était en outre investi du titre important de Supérieur des Prophètes-de-tous-les-dieux, qui nous parut correspondre à celui de ministre des cultes. C'était le roi Psousennès Ier qui l'avait élevé à ces hautes fonctions…. Un de ses titres le plus curieux était celui de 'Unique-préposé-à-la-louange-des-grands' dont la charge consistait à présenter les titulaires au roi pendant les cérémonies de récompenses". Cet éminent proche de l'un des premiers pharaons de la XXIe dynastie eut l'insigne privilège d'être enterré tout près de celui qu'il avait servi avec honneur et loyauté…
C'est dans la Nécropole Royale de Tanis - la "Thèbes tardive du Nord" - que son tombeau (NRT III) a été découvert, inviolé, en 1946, par l'équipe de Pierre Montet.
Pierre Lézine, tout nouvellement arrivé au sein de la mission pour réaliser des relevés architecturaux remarqua, dans le tombeau de Psousennès Ier (découvert 6 ans plus tôt), un endroit particulier où l'épaisseur d'un mur s'avérait anormale… Sous l'œil - tout d'abord sceptique - de ses collègues, il entreprit des sondages complémentaires qui confirmèrent ses intuitions. Les travaux de dégagement débutèrent alors avec précaution et permirent l'accès à une toute petite chambre… Pierre Montet précise : "Le caveau d'Oundebaounded ne contenait que le sarcophage et les quatre canopes. Tout était dans le sarcophage". La momie y reposait avec sur son visage un magnifique masque d'or orné d'incrustations en pâte de verre. Pour son éternité, Oundebaounded était entouré de bijoux en or, d'amulettes, de vaisselles précieuses, de statuettes, … le tout d'une qualité et d'une richesse dignes d'un pharaon…
Masque d'or du Général Oundebaounded - XXIe dynastie provenant de son tombeau (NRT III) découvert à Tanis en 1946 par Pierre Montet et son équipe - Musée égyptien du Caire - JE 87753 |
Suspendus à son cou par des chaînes en or, six pendentifs à l'image de divinités reposaient sur sa poitrine afin d'assurer leur rôle de protection…
Celui-ci, haut de 5,3 cm, est réalisé en or - symbolisant la chair des dieux - et en améthyste translucide. Cette pierre "fine" qui provenait généralement des mines du Ouadi El-Houdi dans le désert oriental (à l'est d'Éléphantine et au sud-est d'Assouan), était souvent utilisée pour les amulettes de protection et pour les bijoux funéraires…
Il est à l'image de la déesse Bastet, représentée ici, non sous son apparence de chatte, mais avec une tête de lionne. Mains posées à plat sur les genoux, elle est assise sur un trône en or délicatement ouvragé et sa tête est surmontée du disque solaire flanqué d'un uraeus central du même métal.
À l'origine, comme le précise le Musée du Louvre : "Bastet est une déesse lionne associée au dieu solaire dont elle incarne la puissance destructrice ; puis, au début du Ier millénaire av. J.-C., elle est aussi, sous sa forme féline adoucie de chatte, maîtresse de la fécondité et protectrice du foyer. Son culte a été particulièrement favorisé par l'installation, dans sa ville du Delta, Bubastis (de 'per Bastet' : la maison de Bastet), de la résidence principale des rois de la XXIIe dynastie, au Xe siècle av. J.- C. Tous les ans dans cette ville, se déroulait, en son honneur, une fête populaire célébrant le retour de l'inondation".
Dans "L'or des pharaons - 2500 ans d'orfèvrerie dans l'Egypte ancienne" Christiane Ziegler décrit ainsi avec précision cette amulette extrêmement "originale" : "Les incrustations des yeux, dont l'éclat coloré animait la statuette taillée dans de l'améthyste, ont disparu. La déesse est coiffée du disque d'or du soleil d'où jaillit un cobra-uraeus. Le trône se compose de deux petites feuilles d'or autrefois clouées sur un support. Les côtés sont décorés d'un motif de plumage, réalisé selon la technique du cloisonné avec des incrustations bleues, vertes et rouges. Une tresse en or borde le dossier et le socle. Un anneau, soudé au revers du disque solaire, permet de suspendre le pendentif. Une inscription ciselée au revers du dossier donne l'identité de la déesse : 'Bastet, dame de la ville de Bubastis, œil de Rê, dame du ciel'. Un cartouche au nom d'un pharaon du Nouvel Empire nommé Ouser-Maât-Rê est inscrit sous le socle. Cette inscription ainsi que des détails techniques suggèrent qu'il s'agit d'un bijou ancien auquel un orfèvre de la XXIe dynastie aurait ajouté le disque solaire, l'anneau et la monture d'or tressée"…
Dans sa notice "Vases sacrés et profanes du tombeau de Psousennès", Pierre Montet donne cette interprétation sensible sur la présence de "bijoux de famille" près du défunt : "Pour respecter peut-être un désir exprimé par Oundebaounded, ceux qui ont paré sa momie n'ont pas oublié d'y mettre quelques objets anciens qui étaient vraisemblablement des souvenirs de famille, un bracelet portant un nom de femme, une bague dont l'inscription vantait le courage invincible de Ramsès II, une Bastit de cristal qui date aussi de Ramsès II, un pendentif ayant appartenu à un grand prêtre d'Amon des premiers temps de la XVIIIe Dynastie..."
Cette amulette a été enregistrée au Journal des Entrées du Musée du Caire JE 87713. Présente à l'exposition itinérante "Ramsès & l'Or des Pharaons", elle retrouvera ensuite le musée de Tahrir et prendra place dans les salles nouvellement aménagées pour recevoir et mettre en valeur les "Trésors de Tanis" longtemps "éclipsés" par la présence du "Trésor de Toutankhamon"…
marie grillot
sources :
Georges Goyon, La découverte des trésors de Tanis, Pygmalion, 1987
Pierre Montet, Vases sacrés et profanes du tombeau de Psousennès, Monuments et mémoires de la Fondation Eugène Piot, 1949, Volume 43
https://www.persee.fr/doc/piot_1148-6023_1949_num_43_1_1982
Tanis l'or des pharaons, catalogue de l'exposition Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 26 mars - 20 juillet 1987
Henri Stierlin, Christiane Ziegler, Tanis Trésors des pharaons, Seuil, 1987
Jean-Pierre Corteggiani, L'Égypte ancienne et ses dieux, 2007
Isabelle Franco,Dictionnaire de mythologie égyptienne, 2013
Christiane Ziegler, Marie-Hélène Rutschowscaya, Le Louvre, les antiquités égyptiennes, 2002
Christiane Ziegler, Marie-Hélène Rutschowscaya, Guillemette Andreu, L'Egypte ancienne au Louvre, 1997
L'or des pharaons - 2500 ans d'orfèvrerie dans l'Egypte ancienne, Catalogue de l'exposition de l'été 2018 au Grimaldi Forum de Monaco, Christiane Ziegler
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