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Florence Quentin, égyptologue et écrivain et son ouvrage "Les Grandes souveraines d'Egypte" - Éditions Perrin - avril 2021 |
Deux ans après la sortie de "Dans l'intimité de Toutankhamon" (First), Florence Quentin publie, aux éditions Perrin, "Les grandes souveraines d'Egypte".
Ce huitième ouvrage de l’auteure, riche de 416 pages, nous offre un travail appliqué de réflexion, de recherche, d'étude et de synthèse, qui puise notamment ses sources dans une bibliographie sélective de 60 auteurs recensant près de 80 références !
Des premières souveraines qui porteront la naissance du Nouvel Empire à la dernière des Ptolémées, leur féminité, leur ambition, leur pouvoir, leur rôle proche du "divin", en un mot leur "personnalité"- idéalisée, il est vrai, à des "fins" politiques et religieuses -, frémissent sous sa plume …
Avec intelligence et sensibilité, elle n'omet pas non plus d'esquisser l'envers de la médaille, le décodage de ces "icônes", qui, pour atteindre - et - ou conserver - le pouvoir face à la "théocratie pharaonique" doivent aussi savoir s'affirmer entre rivalités et jalousies…
Cette "juste approche" que l'auteure souhaitait "essentielle", tout en étant "ni féministe, car cela relèverait de l’anachronisme, ni rétrograde car il existe des biais de genre en égyptologie, que nous devons débusquer", nous rend ces reines tellement plus "humaines" .
Florence Quentin est égyptologue et écrivain. Elle est auteure de huit ouvrages sur l’Egypte ancienne et sur l'héritage égyptien de l'Occident
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Colosses "osiriaques" d'Hatshepsout dans son temple de Deir el-Bahari |
EA : Ces grandes souveraines nous fascinent par leur beauté, l'image parfaite qu'elles ont laissée transcende les siècles : l'attachement que nous avons pour elles est-il lié au fait qu'elles nous permettent d'accéder à une petite part de leur éternité ?
Florence Quentin : Certainement, car les représentations des souveraines qui nous sont parvenues - et cela depuis l’Ancien Empire - ont été idéalisées et se sont ainsi figées dans notre imaginaire. Ne l’oublions pas, les épouses des pharaons étaient considérées comme des hypostases des déesses, en premier lieu celle d’Hathor, l’Eros divin. Mais aussi car l’art égyptien figure ses sujets dans leur pleine puissance, au sommet de leur jeunesse et de leur vitalité afin qu’ils puissent en conserver les bienfaits et les traits jusque dans l’éternité. A cela s’ajoutent des monuments prestigieux et toujours visibles de nos jours qui sont associés aux noms de ces grandes reines et à leurs règnes, au premier rang desquels Deir el-Bahari, à Hatchepsout, ou le petit temple creusé dans les falaises d’Ibcheck (Abou Simbel), à Néfertari.
Sans oublier ces portraits somptueux, parfois construits, parfois personnalisés, qui se sont hissés au rang d’icônes de l’Egypte ancienne, ainsi le fameux buste de Néfertiti, exposé au Musée de Berlin. Tous ces témoignages, alliant beauté plastique, puissance et rayonnement exercent sur nous une véritable et infrangible fascination.
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Tiyi coiffée de la dépouille de vautour et du modius à double plume - stéatite glaçurée bleu-vert Musée du Louvre - N 2312 - E 25493 |
EA : Elles s'affichent sur les murs des temples, des tombes ou à travers de magnifiques statues, parées, maquillées, éternellement douées de perfection. Les titres qui leur sont donnés sont de pures merveilles. Elles étaient initiées au chant, à la musique, à la danse ; avec leurs attributs elles s'assimilent à des déesses. Ainsi écrivez-vous : "A travers la fonction rituelle de divine épouse, il s'agit d'éveiller le potentiel sexuel du dieu créateur afin de réitérer indéfiniment la genèse du monde" : elles étaient principalement destinées à procréer un "héritier" pour le royaume ?
F.Q. : Oui, essentiellement. Les "Grandes Epouses Royales" sont destinées à donner un héritier, mâle de préférence, au roi d’Egypte, à l’image de la déesse Isis qui conçut son fils Horus "le Vengeur de son père" pour succéder à Osiris sur le trône d’Egypte.
Mais certaines d’entre elles, et particulièrement au Nouvel Empire où l’on remarque une montée en puissance de ces souveraines, à l’instar de Tiyi, l’épouse d’Amenhotep III, par exemple, vont largement dépasser cette fonction de simple reproductrice, "d’épouse du roi" ou de "mère du roi" pour devenir d’indispensables alter ego de Pharaon, qui ne peut, quoi qu’il en soit, régner en célibataire.
Quant au titre prestigieux de "divine épouse d’Amon" que vous citez, il entre dans la famille royale au début de la XVIIIe dynastie. Il va désormais faire partie du protocole de certaines souveraines (notamment Ahmès-Néfertari, pour qui cette fonction est remise au goût du jour, ou encore Hatchepsout, qui une fois couronnée pharaon, abandonnera ce titre), accolé à celui de "grande épouse royale". Celles qui ont le privilège de le détenir deviennent l’intermédiaire sacrée, privilégiée, dans la transmission dynastique, tout autant que source de légitimité. Car ce titre est bien davantage qu’une fonction rituelle prestigieuse : tout ce qu’il comporte en matière économique, foncière et patrimoniale est aussi l’absolue propriété de la souveraine/divine épouse : plusieurs dizaines de personnes (domestiques ou paysans) travaillent sur ses terres et dans la "maison de l’épouse du dieu", sise dans la région de Thèbes, gérée par un majordome et entretenue par des serviteurs et servantes. Le domaine accueille aussi un collège de prêtresses. Non seulement cette fonction enrichit économiquement la souveraine, mais elle la confirme dans sa vocation de parèdre divine d’Amon tout autant que de celle du roi, légitimant ainsi toute sa descendance. Il ne s’agit donc pas seulement d’une transmission dynastique: la reine d’Égypte agit ici dans un culte qui lui est propre. C’est donc bien en tant qu’officiante, associée aux rituels royaux et divins, qu’elle occupe sa place d’épouse royale, une conception tout à fait nouvelle de la royauté féminine.
EA : Au-delà des images institutionnelles idéalisées, la vie à la cour, l'atmosphère des "harems", devaient bruisser de multiples histoires de jalousies, de rivalités, voire même de complots visant à "capter" l'attention de pharaon afin d'atteindre ce titre si convoité de "Grande Épouse Royale" ?
F.Q. : Le harem en Égypte ancienne se présente soit comme intégré aux différents palais du pays au sein de quartiers privés, soit comme des communautés féminines et des systèmes économiques autonomes bâtis hors de la résidence royale. Une ruche industrieuse non dénuée de poids politique, car s’y nouent et s’y dénouent en effet des intrigues pour la succession des héritiers au trône. Et selon leur naissance, le lieu où s’envisagent pour ces enfants, royaux ou non, des mariages avantageux. Plusieurs centaines d’épouses et leurs rejetons y vivent à l’année ou lors de séjours ponctuels.
Les souveraines d’Égypte - épouses principales, secondaires -, ainsi que les favorites et concubines tout autant que leur progéniture, mais aussi, pour des séjours à durée variable, les sœurs du roi avant leur mariage et la reine mère à son veuvage - pour y couler une retraite paisible - résident donc dans le harem royal.
À partir du Nouvel Empire, le harem peut même bénéficier d’un domaine indépendant, avec ses propres administrations et ressources, comme à Memphis, Thèbes, ou à Mi-Our, dans le Fayoum, qui se présentent telles des entreprises prospères et indépendantes, d’ailleurs supervisées par la "grande épouse royale". Ces domaines sont vastes et doivent rapporter : ils regroupent bâtiments, troupeaux, domaines et terres, pêcheries - au Fayoum -, mais aussi lieux de production de vêtements, grâce à des ateliers de tissage supervisés par des femmes contribuant ainsi à l’indépendance économique de leurs propriétaires: les reines d’Égypte. Comme vous le voyez, on est bien loin du stéréotype attaché au sérail turc où des odalisques alanguies attendent les visites du sultan !
Mais comme vous le suggérez, c’est aussi, comme il se doit à la Cour, le lieu de toutes les tractations pour la succession royale, et un socle solide pour asseoir les ambitions des reines, des épouses secondaires et celles de leurs fils et filles élevés auprès d’elles.
Le harem égyptien peut aussi apparaître tel un lieu de pouvoir, où se trament des intrigues, des meurtres et des conspirations au plus haut niveau. Ainsi, celle, bien connue par le papyrus judiciaire de Turin, qui nous donne une version du jugement rendu et des condamnations prononcées à la suite du complot ourdi par la reine Tiyi contre son époux Ramsès III : il aboutira à l’exécution de la souveraine et de Pentaour, le "fils maudit".
Du moins c’est ce que narre l’enregistrement du procès, car l’histoire, on le sait, est écrite par les vainqueurs… Dans mon livre, qui se veut une relecture la plus objective possible, je propose une autre hypothèse quant aux vrais conjurés qui auraient organisé cette fameuse "conspiration du harem". Un assassinat qui fut considéré comme une telle abomination que les textes ne nous disent pas si Ramsès III a survécu ou non à la tentative de meurtre envers sa royale personne. L’étude récente de sa momie semble confirmer qu’il a bien succombé à une grave blessure au-dessus du larynx…
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Ahmès-Néfertari représentée dans la tombe d'Amenemipet à Gurnet Muraï (TT 277) |
EA : Certaines reines ont fait preuve d'un immense courage, prenant en main le destin des Deux-Terres lorsque que pharaon était parti combattre ou était trop jeune pour régner. Elles se sont alors impliquées dans la politique allant même parfois jusqu'à prendre le pouvoir, marquant ainsi fortement l'histoire du royaume, comme Hatshepsout à laquelle vous consacrez d'ailleurs plus de 50 pages ?
F.Q. : C’est par l’une des plus éminentes d’entre elles que je débute cette série de portraits : Héritière de puissantes matriarches thébaines qui ont contribué à chasser les Hyksôs du pays, Ahmès-Néfertari, "l’homme fort" qui inaugure la XVIIIe dynastie, va montrer quant à elle qu’elle peut exercer le pouvoir de manière singulière en devenant, à la mort de son époux Ahmosis Ier, régente de son fils Amenhotep Ier. Elle sera sa vie durant dans les arcanes du pouvoir, et on la divinisera aux côtés de son fils après sa mort. Mais outre la fonction de régente, qui sera occupée par plusieurs reines égyptiennes, existent aussi ces souveraines régnantes, qui au Nouvel Empire, vont prendre le pouvoir à trois reprises : la plus célèbre est bien sûr Hatchepsout (1492-1479) car c’est la reine-pharaon qui a régné le plus longtemps sur l’Egypte, puis une femme de la famille royale amarnienne du nom de Ankh-Khéperourê Néfernéferouaton (est-ce Néfertiti ? Mérytaton ? ou plutôt un certain Smenkhkarê ? La question divise toujours les spécialistes) et enfin Taousert, "la Grande".
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Découverte du portrait de Néfertiti, en 1912 à Amarna, par Ludwig Borchardt |
EA : Comment ne pas évoquer Néfertiti et le long épisode amarnien, où les femmes ont été si présentes et si proches du pouvoir jusqu'à s'y perdre dans la succession d'Akhénaton ?
F.Q. : Son portrait idéalisé et sa large diffusion depuis sa découverte à Amarna, en 1912, par Ludwig Borchardt nous feraient presque croire que Néfertiti nous est familière. Mais du point de vue historique, nous ne connaissons que des bribes de vie de cette souveraine, quasiment rien de sa personnalité, seulement le rôle qu’elle a endossé dans la nouvelle religion atoniste, où elle occupe une fonction essentielle, inédite dans l’histoire égyptienne. Au-delà de la vision romanesque d’un roi et d’une reine amoureux, dont les gestes tendres relèvent aussi d’une intention propagandiste, on devine qu’ Amenhotep IV/Akhénaton a façonné l’image publique de sa femme pour servir son dessein, mais sans doute aussi les visées communes du couple. Dans cet élan novateur, réformateur même, la reine Néfertiti occupe une place à part dans la lignée des souveraines. Une profusion d’images la montrant faisant offrande à Aton avec son époux, dont elle reproduit rigoureusement les gestes, témoigne de l’importance de son rôle dans le cadre de cette réforme radicale. Aucune reine avant elle n’a été figurée aussi fréquemment ni n’a joui d’une telle importance. Cette présence divise là encore les égyptologues : pour certains, c’est le signe d’un pouvoir exceptionnel, d’une femme puissante qui sut sortir de l’ombre de son royal époux. Pour d’autres, il s’agit là de conceptions erronées et anachroniques. Akhénaton, afin de dépasser la tradition, aurait mis ("utilisé" ?) Néfertiti et ses filles au centre de sa communication.
Mais dans un souci d’équilibre face aux sources, dans les pages que je consacre à cette grande reine, je reviens sur certaines représentations du temple d’Aton à Karnak-Est, élevé au début du règne d’Amenhotep IV/Akhénaton : la souveraine y est représentée rendant le culte à Aton - prérogative traditionnellement réservée aux rois d’Égypte - sans son royal époux, et seulement accompagnée de leur fille aînée Mérytaton : une scène tout à fait novatrice, car ici c’est à Néfertiti que revient cette charge. On retrouvera cette relation particulière et "directe" avec le dieu unique dans la nouvelle capitale atoniste de Tell el-Amarna, où les femmes de la sphère royale auront leur propre lieu de culte. Autre sujet d’étonnement : Néfertiti est représentée à plusieurs reprises en train d’accomplir l’acte sanglant du massacre rituel des ennemis, jusqu’alors réservé au seul pharaon. Nulle part ailleurs, outre chez les rois et les dieux, on ne trouve de telles représentations qui semblent signer la montée en puissance des reines de la XVIIIe dynastie, sur le plan tant politique que cultuel.
À la mort d’Akhénaton, le pays se retrouve dans une situation politique périlleuse. Un pharaon lui succède - ou plutôt deux - dont l’identité fait encore polémique, comme je le signalais plus haut : s’agit-il de Néfertiti qui ne serait pas morte à cette époque ? De Ânkh-Khéperourê Mérytaton ou/et d’un certain Smenkhkarê ? Leurs identités sont loin de faire l’unanimité et aucun consensus n’existe sur l’ordre de succession. S'il s’agit bien d’une reine, qui est elle ? Je reviens ici sur les hypothèses les plus probables, dont celle, récente, et aux arguments défendables, développée en 2019 par Valérie Angenot, professeur à l’Université du Québec (Montréal), qui a analysé des documents épigraphiques et de nombreux artefacts : selon elle, deux reines se seraient partagé le pouvoir…
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Néfertari représentée dans sa tombe de la Vallée des Reines (QV 66) |
EA : Et la belle Néfertari, l'aimée de Mout, l'aimée de Ramsès II, immortalisée par son temple d'Abou Simbel et sa sublime tombe de la Vallée des Reines : une reine impliquée dans la politique et un "atout" dans la diplomatie ?
F.Q. : Néfertari ? Elle demeure "l’énigmatique". Grande épouse royale de Ramsès II, revêtue de nombreux titres et associée à des monuments exceptionnels, cette souveraine au parcours exemplaire et à la renommée immense reste pourtant nimbée de mystère. On ne sait presque rien de ses origines, ni du moment et des conditions de son départ vers l’autre monde. Elle était avant tout une reine-épouse, puis une reine mère mais occupe aussi une position éminente dans la sphère politique : elle accompagne son époux dans certains déplacements d’ordre politique. Pendant la bataille de Qadesh, Néfertari demeure au sein du palais, depuis lequel elle assume seule les titres qu’il lui a accordés. A l’occasion du traité de paix en l’an 21, elle engage même une correspondance avec Poudoukhépa, l’épouse hittite d’Hattousil III. Et sur un plan religieux, Néfertari reprendra la charge prestigieuse de divine épouse d’Amon. Mais ce sont bien sûr les monuments qui lui seront dédiés par Ramsès II qui la fixent à jamais dans notre esprit : le second spéos d’Abou Simbel, où les inscriptions la magnifient et où elle est divinisée, en lien avec les déesses Hathor et Mout, pour finalement s’identifier à Sothis, divinité qui symbolise l’arrivée de la crue du Nil et la fertilité associée, indispensables à la prospérité du Double-Pays. Et bien sûr le joyau absolu de la Vallée des Reines : sa tombe aux couleurs et à la symbolique mort-renaissance éblouissantes.
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Florence Quentin : "Mérytaton, fille d'Akhénaton et Néfertiti, a peut-être succédé à son père sur le trône" calcaire polychrome - Musée du Louvre - E 14715 |
EA : Cette interview ne peut s’arrêter sur les vingt souveraines dont vous avez dressé les portraits, et c'est regrettable, notamment pour la grande Tiyi ou bien encore Taousert ou Cléopâtre... Il est cependant impossible de terminer cet échange sans aborder deux types "particuliers" de mariages "récurrents" dans cette longue histoire. Il s'agit des mariages diplomatiques, destinés à pacifier le pays, à tisser et affirmer des liens étroits avec les puissances étrangères, et également - et surtout - des nombreux mariages "consanguins" ou "incestueux de pharaon avec ses sœurs, ou bien ses filles ou même ses petites-filles
F.Q. : Prenez Thoutmosis III : il a ramené de ses expéditions guerrières de nombreuses femmes issues de la haute société des cités qu’il a vaincues. Une partie d’entre elles serviront ensuite dans le temple d’Amon ou rejoindront le harem royal. Car le souverain d’Égypte est polygame, un signe extérieur de richesse et l’affirmation de la virilité et de la puissance génératrice. Les multiples unions qu’il contracte avec ses épouses et concubines lui permettent d’avoir une nombreuse descendance (prioritairement, un héritier mâle), dont il se glorifie, mais aussi de conclure des alliances et de rappeler les rapports de vassalité qui existent avec des souverains étrangers, par le biais de mariages diplomatiques, notamment lorsque l’héritier du trône succède à son père. Toutes ces femmes ne deviennent jamais "grandes épouses royales", mais sont placées au rang de favorites, d’épouses secondaires : elles sont si nombreuses dans le harem royal que certaines ne reçoivent jamais la visite du roi ni n’ont de relations intimes ou d’enfants avec lui. Autant de destins peu heureux et une position particulièrement vulnérable pour ces jeunes femmes, éloignées de leur pays natal, ne parlant pas la langue égyptienne, ces "monnaies d’échange" subissant très probablement des abus de toute sorte.
Quant aux mariages consanguins, ils posent bien sûr la question du tabou de l’inceste, qui a été levé en Egypte ancienne, dans la sphère royale. Les rois peuvent épouser leur sœur ou demi-sœur mais aussi leurs filles, à l’instar d’Amenhotep III ou de Ramsès II. En effet, tel le prolongement de Néfertari et d’Isis-Néferet, ses deux favorites, d’autres femmes – outre celles du harem très peuplé du roi – vont enrichir la souveraineté de Ramsès II, au premier rang desquelles... ses propres filles, issues de ses unions avec les deux grandes épouses royales précitées.
Mais pour bien saisir la teneur de ces mariages incestueux, qui n’ont pourtant pas leur place dans la société civile égyptienne, il faut les replacer dans leur contexte, non seulement politique, mais rituel. Ramsès II souhaite ainsi recréer les conditions cosmogoniques de la "première fois". De ce point de vue, le pharaon s’impose comme le démiurge qui, pour engendrer le monde, exige l’énergie féminine, celle qui alimentera son potentiel sexuel. En épousant plusieurs reines-prêtresses, ses filles de surcroît, il confirme son appartenance au monde divin et réitère l’œuvre cosmogonique, dont la royauté pharaonique se réclame.
De notre point de vue, il serait pourtant hâtif de juger de telles unions. Ces mariages pharaoniques ne peuvent en effet être évalués à partir de notre ethnocentrisme : ce serait oublier qu’ils n’existaient que dans la sphère royale, et échappaient de fait aux lois humaines et aux interdits ontologiques.
En janvier dernier, une équipe de fouilles égyptiennes dirigée par Zahi Hawass annonçait la découverte d’un temple funéraire au nom de Néarit, épouse et fille du roi Téti (vers 2300 avant l’ère commune). On savait que ce pharaon avait déjà convolé en justes noces à trois reprises, mais cette mise au jour nous apprend que, peut-être pour la première fois de l’histoire égyptienne, un pharaon a épousé sa propre fille. Une tradition en vigueur jusqu’à la mort de Cléopâtre, en 30 avant l’ère commune, puisque les Lagides mettront à l’honneur les unions adelphiques.
Interview réalisée par marie grillot
Les grandes souveraines d'Egypte, Florence Quentin, Perrin
https://www.leslibraires.fr/livre/18431659-les-grandes-souveraines-d-egypte-florence-quentin-perrin?fbclid=IwAR2wiM4_sA0S8gTQORnJ2NkQ7zFeJH9Z_82yoc8gqv4v-FaZmYp0SE5pfbo
Pour en savoir plus :
"Le temps d'un bivouac" sur France Inter
https://www.facebook.com/LeTempsDUnBivouac
Florence Quentin : "Les Égyptiennes ont bénéficié d’un statut privilégié dans le monde antique" (Interview) - 31/03/2021
https://www.breizh-info.com/2021/03/31/161587/florence-quentin-egyte-souveraines/
HISTORIQUEMENT SHOW 408
https://histoire.fr/actualit%C3%A9s/historiquement-show-408
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