Dans son "Guide du visiteur au musée de Boulaq", publié en 1883, Gaston Maspero relate que cette statue de la déesse Thouéris a été découverte : "à Thèbes, au milieu de la ville antique, par des fellahs en quête de sebakh. Elle était debout dans une petite chapelle en calcaire blanc sculpté, que lui avait dédiée le prêtre Pibisi, au nom de la reine Nitocris, fille de Psamitik Ier."
Les faits s'étaient déroulés quelques années plus tôt, en 1874 et il apparaît qu'Auguste Mariette aurait alors "saisi" la statue pour la transporter à Boulaq… Mais malheureusement trop tardivement car les découvreurs avaient eu le temps de mettre "la chapelle en pièces" et seuls les morceaux subsistants purent être récupérés.
L'ensemble provenait de Karnak où la déesse, vénérée particulièrement aux époques saïte et ptolémaïque, avait un lieu de culte dédié, à l'Est du temple de Khonsou.
"Ce naos en calcaire n’avait pour seule ouverture qu’une fenêtre percée à hauteur de la tête de la déesse. Cette ouverture lui permettait d’être vue et d’écouter les prières qu’on lui demandait d’exaucer, moyennant naturellement quelques offrandes" précisent Mohamed Saleh et Hourig Sourouzian dans leur "Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire".
Isabelle Franco ("Dictionnaire de mythologie égyptienne"), nous présente ainsi cette déesse Thouéris ou Taourèt : "Entité féminine dont le nom signifie simplement la 'Grande', épithète qui peut qualifier n’importe quelle déesse et désigner la couronne royale. Ses représentations les plus fréquentes figurent sous la forme d’un hippopotame gravide, auquel sont ajoutés un dos de crocodile et des pattes de lion. Mère du roi et des défunts, Taourèt incarne toutes les fonctions de fertilité et de reproduction dévolues aux déesses en général".
Cette représentation, haute de près d'un mètre (0,96 cm précisément) est en serpentine verte selon certains, en schiste (ardoise), ou grauwacke (grès siliceux) selon d'autres. Quoi qu'il en soit, le sculpteur a fait un travail d'une finition et d'un poli remarquables… Il a réussi à insuffler à cet être, pour le moins disgracieux et lourd, une douceur surprenante…
Thouéris, femelle hippopotame bedonnante, aux mamelles flasques, est représentée debout dans l'attitude de la marche, campée sur ses pattes de lion. Ses bras "humains" - mais à pattes de lion également - sont tendus le long du corps et semblent prendre appui sur le signe "sa". Il s'agit là d'une amulette de protection qui s'apparente à "une natte de papyrus que l'on a roulée et, malgré la relative rigidité du matériau, pliée de façon à former une grande boucle dont les extrémités jointives sont ligaturées" précise Jean-Pierre Corteggiani dans "L'Egypte ancienne et ses dieux". Il ajoute également que : "C'est pour affirmer leur caractère de déesses protectrices que Thouéris et Ipet sont représentées appuyant chacune de leurs pattes antérieures sur un signe sa".
Elle est coiffée d'une perruque tripartite striée surmontée d'un mortier plat qui semble ridiculement petit. L'explication nous en est donnée par Rosanna Pirelli dans les "Trésors du musée Egyptien" : "Il était jadis surmonté d’une coiffe hathorique, constituée de deux cornes enserrant le disque solaire". Elle indique entre autres que : "Le pan arrière de sa perruque se prolonge dans le dos par un appendice strié à moitié couvert par le pilier dorsal, qui retombe à ses pieds en guise de queue : il s’agit d’une dépouille de crocodile aux écailles stylisées".
Tout comme le corps, la tête a peu de charme mais suscite une grande curiosité tant cette apparence est inhabituelle… Des oreilles animales de petite dimension, des yeux proéminents, un museau allongé et ouvert qui laisse voir des dents carnivores et le bout de la langue… Le tout, d'une exécution parfaite…
La statue, munie d'un pilier dorsal, repose sur un socle rectangulaire. Mohamed Saleh et Hourig Sourouzian présentent ainsi les lignes de hiéroglyphes gravées sur le replat du socle et sur le pilier dorsal : "Dans cette inscription le grand prêtre Pabasa demande aux déesses de protéger les biens de la Divine Adoratrice Nitocris et de combattre pour sa propriété. Ces biens, que Pabasa avait la charge de gérer, avaient été assignés à Nitocris par son père, le roi Psammétique Ier. C’est en effet munie d’une dot importante que Nitokris était arrivée à Thèbes, pour s’y faire adopter par l'Epouse du Dieu Amon, Chapenoupet, dont elle hériterait la charge".
Cette statue est exposée au Musée égyptien de la place Tahrir où elle a été enregistrée au Catalogue Général sous la référence CG 39194.
marie grillot
sources :
Gaston Maspero, Guide du visiteur du musée de Boulaq, TYP. Adolphe Holzhausen, Vienne, 1883
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6305105w.texteImage
Eugène Grébaut, Notice sommaire des Monuments exposés, Imprimerie Nationale, Le Caire, 1892
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56121740/f103.imag
Gaston Maspero, Guide du visiteur au Musée du Caire, IFAO, Le Caire, 1915 p. 61
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6572454w/f29.item.r=bracelet.texteImage#
Gaston Maspero, L'archéologie égyptienne, Quantin Paris, 1887 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k331686/f2.item.r=186.texteImage
Jean-Pierre Corteggiani, L'Egypte des pharaons au musée du Caire, Hachette Paris, 1986
Mohamed Saleh, Hourig Sourouzian, Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire, Verlag Philippe von Zabern, 1997
Francesco Tiradritti, Trésors d'Egypte, Les merveilles du musée égyptien du Caire, Gründ, 1999
Isabelle Franco, Dictionnaire de mythologie égyptienne, Pygmalion, 1999
Guide National Geographic, Les Trésors de l'Egypte ancienne au musée égyptien du Caire, 2004
Jean-Pierre Corteggiani, L'Egypte ancienne et ses dieux - Dictionnaire illustré, Fayard 2007
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