C'est dans cet imposant et magnifique cercueil en bois de cèdre et d'acacia que reposaient la momie de Maâtkarê et, d'après Gaston Maspero, celle de son enfant mort-né, la princesse Moutemhâït.
Il précise en outre que Maâtkarê appartenait : "à la famille des Grands-prêtres d'Amon Thébain, contemporains de la XXe et de la XXIe dynastie". Pour Mohamed Saleh et Hourig Sourouzian ("Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire") : "Elle était, vraisemblablement, la fille du premier prêtre d’Amon-Rê Pinedjem Ier et de la reine Henuttauy".
Bénéficiant de l'ensemble des privilèges liés à son rang, elle fut notamment, selon Silvia Einaudi dans "Les merveilles du musée égyptien du Caire" : "la première princesse à porter le titre de Divine Adoratrice du dieu Amon, titre avec lequel on désignait l'épouse du dieu". Consacrant sa vie à honorer le dieu thébain; elle fut ensuite "considérée comme une divinité".
Sa fonction la voua-t-elle au célibat ou se peut-il qu'elle devint mère ? Toujours est-il que, alors qu'il présente son cercueil sous la référence 5210-5236 dans son "Guide du musée de Boulaq" Gaston Maspero indique que : "La reine Mâkeri est morte en couches et son enfant avec elle. Cet enfant, qui probablement n'a pas dû vivre un jour, porte tous les titres de sa mère, entre autres, celui de Royale épouse principale. Moutemhâït n'a donc été ni Epouse royale, ni même quoi que ce soit sur cette terre : mais l'usage voulait que les femmes de la famille des Ramessides eussent ce titre de naissance et elle l'a eu".
Le grand égyptologue s'est-il trompé ? Des analyses menées depuis, semblent prouver qu'il s’agirait : "de la momie d’un singe favori emporté outre-tombe, écartant ainsi les doutes quant au célibat de l’Épouse Divine" (Mohamed Saleh et Hourig Sourouzian).
Maâtkarê est représentée en position osiriaque. "Les mains, dont seule la gauche a subsisté, étaient dorées et tenaient peut-être des signes ankh dont il reste la partie inférieure dans le poing gauche. Les poignets sont ornés de bracelets et les coudes d’une fleur de lotus. Sur les avant-bras, on a dessiné un scarabée ailé tenant un disque solaire entre les pattes antérieures. Sur les bras, l’image d’un faucon, au-dessus du symbole de l'or, avec les ailes déployées. Sous les bras, comme s'il poussait sous les colliers, est peint un pectoral en forme de sanctuaire orné d’un scarabée ailé tenant un disque solaire placé au milieu de deux divinités assises à tête de faucon" (Silvia Einaudi).
Le corps du sarcophage est entièrement peint, doré, ou verni et totalement recouvert de scènes, de symboles, de divinités ; la déesse-vautour aux ailes déployées en occupe le centre et aucune zone ne demeure sans décor. "Le reste de la surface du sarcophage porte de nombreuses scènes polychromes, à l’intérieur de panneaux délimités par des inscriptions dans lesquelles la défunte fait des offrandes à des divinités. L’horror vacui, qui se traduit par une surabondance de décor ne laissant aucun espace disponible, est caractéristique de cette période" ("Les trésors de l'Égypte ancienne au musée du Caire", National Geographic).
Mohamed Saleh et Hourig Sourouzian soulignent que : "la partie inférieure se divise en scènes par les bandes d’inscriptions donnant la titulature de Maâtkarê (bande médiane) et les épithètes de la reine (bandes latérales) qui se dit vénérée auprès des dieux Rê, Ptah-Sokar-Osiris, Horus et Anubis".
Dans ce premier sarcophage "extérieur" se trouvait : "un second sarcophage à l’intérieur duquel était placée la momie de la défunte, couverte d’une planche en bois momiforme, selon la coutume adoptée à partir de l’époque ramesside" (Silvia Einaudi).
L'ensemble a été découvert, par le Service des Antiquités, en juillet 1881, dans la "Cachette des momies royales" ou "Cachette de Deir el-Bahari". Cette tombe collective, située sur la rive ouest de Louqsor, précisément au pied du rocher de Chaak al-Tablyah, à Deir el-Bahari, avait été trouvée, dix ans plus tôt par des Gournawis, les frères Abd el-Rassoul. Alors qu'ils approvisionnaient régulièrement le marché des antiquités, la provenance inconnue d'artefacts de grande qualité finit par susciter questions et suspicions…
Après une enquête aux multiples rebondissements, les collaborateurs de Gaston Maspero remonteront à la source du trafic, non sans avoir créé de très fortes tensions dans le clan des découvreurs. C'est ainsi que le 5 juillet 1881, dans la chaleur écrasante des rochers de Deir el-Bahari, guidés par Mohamed Abd el-Rassoul, Emile Brugsch, Ahmed Kamal Effendi et Thadéos Matafian, superviseront la "re-découverte" de la DB 320…
Ce sont une cinquantaine de momies - dont une quarantaine de pharaons - qui y avaient été mises à l'abri, aux environs de 1100 avant J.-C. (XXIe dynastie). L'époque était alors troublée et de nombreuses exactions avaient été commises dans la Vallée des Rois. Respectant et vénérant les anciens souverains, le grand prêtre Herihor qui dirigeait alors la région thébaine prit l'initiative, après le pillage et la profanation de leurs demeures d'éternité, de re-inhumer leurs momies dans une tombe originellement connue pour avoir été celle d'une princesse Inhâpi.
Ainsi le cercueil extérieur de Maâtkarê avait-il été pillé lui aussi - peut-être par deux fois - dans l'antiquité ; la tête du vautour frontal, qui devait être en or ou en bois doré avait été arrachée, ainsi que la main droite. De même, le second cercueil n'avait pas été épargné.
Dès le 14 juillet, les sarcophages, les momies et les vestiges de mobiliers funéraires seront transférés vers Boulaq par le bateau à vapeur du musée "Le Menshieh".
Lors de la fermeture de ce premier musée, en 1889, le sarcophage de Maâtkarê a été transféré - avec l'ensemble des collections - au palais de Giza, où il est resté jusqu'en 1902. Il a alors rejoint le magnifique bâtiment du musée égyptien de la place Tahrir, où il a été enregistré au Journal des Entrées JE 26200 et au Catalogue Général CG 61028.
sources :
Gaston Maspero, Guide du visiteur au musée de Boulaq, 1883
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6305105w/f338.item.r=5236.texteImage
Georges Daressy, Catalogue général des antiquités égyptiennes du Musée du Caire N° 61001-61044, Cercueils des cachettes royales (1909), publié au Caire, IFAO
https://archive.org/details/DaressyCercueils1909
Emile Brugsch, Gaston Maspero, La Trouvaille de Deir el-Bahari, Impr. française F. Mourès, 1881
Mohamed Saleh, Hourig Sourouzian, Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire, Verlag Philippe von Zabern, 1997
Francesco Tiradritti, Trésors d'Egypte - Les merveilles du musée égyptien du Caire, Gründ, 1999
Guide National Geographic, Les Trésors de l'Egypte ancienne au musée égyptien du Caire, 2004
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