dimanche 16 avril 2017

Le café Oum Kalthoum au Caire : un lieu "enchanteur" !


"Un lieu plutôt mignon avec comptoir accueillant, banquettes douillettes et cadres de photos en noir et blanc de la diva égyptienne Oum Kalthoum, donnant son nom au bar. Coloré, décontracté et surtout sympa avec de belles attentions comme le verre conservé au frais avant d'y remplir la bière pression." 

C’est ainsi que le "Petit Futé" présente brièvement le plus connu des cafés portant le nom de la célébrissime chanteuse surnommée “l’Astre d’Orient” (1898-1975). Il est situé rue Orabi, au centre du Caire, en face du cinéma "le Caire" qui était auparavant un théâtre.

Ouvert en 1936 par Haj Abdel-Aziz, il s’appelle tout d’abord "Café Tawfiq". Puis, en 1948, Oum Kalthoum passe par là. Elle vient de terminer les répétitions d’un spectacle qu’elle doit donner dans un théâtre à proximité et décide de faire une pause café. Honoré par cette visite inattendue, Abdel-Aziz demande à la chanteuse l’autorisation d’utiliser à l’avenir son nom pour l’enseigne de son établissement. L’autorisation est accordée immédiatement et l’on imagine aisément la satisfaction et la fierté du tenancier !


D’autres visites de la chanteuse suivront, notamment lorsqu’elle se rend au bureau du compositeur et chanteur Mohammad Abdel-Wahab. Elle n’est d’ailleurs pas la seule artiste de renom à faire régulièrement halte dans le café. Proche des théâtres et des sociétés de production, il compte, entre autres habitués, l’acteur Tawfiq El-Deken (connu pour ses rôles dans les films "El fatawa", "Ala bab el wazir", "Ana wa hua wa hia"...) et le cinéaste Hesham Abul-Nasr (réalisateur de "Qahwet al-mawardy", "Al-akmar"...). 

Soucieux de moderniser l’établissement, le fils du propriétaire a pris l’initiative, il y a quelques années de cela, d’adjoindre au nom d’Oum Kalthoum celui de la talentueuse chanteuse égyptienne Amal Maher. Mais les habitudes de la clientèle ont vite repris le dessus, qualifiant semble-t-il pareille initiative de lèse-majesté. Les fidèles du lieu n’avaient d’ailleurs jamais cessé d’appeler celui-ci de son seul "vrai" nom : café Oum Kalthoum !

L’établissement est ouvert toute la journée, les heures de pointe commençant après le coucher du soleil et durant jusqu'à une heure du matin. Il comporte actuellement quatre étages. Les clients plus âgés préfèrent rester au rez-de-chaussée, tandis que le troisième étage attire plutôt les étrangers et les touristes arabes, et que la terrasse est partagée par tous. Comment s’en étonner ? "El-Sett" (la Dame) est omniprésente par des sculptures, des photos qui retracent sa merveilleuse carrière. On la voit en compagnie du célèbre écrivain Tawfiq el-Hakim, de la chanteuse libanaise Fayrouz , des musiciens qui ont travaillé en étroite collaboration avec elle (Mohammad Abdel-Wahab, Baligh Hamdi…). Une photo-document complète cette page d’histoire : on y retrouve Oum Kalthoum avec l’un de ses plus grands admirateurs, le président Gamal Abdel-Nasser !

Sa voix enfin, ses chansons "éternelles" retransmises par haut-parleurs remplissent également l’espace. Pour un peu, nous verrions réapparaître, dans ce café-musée, la diva, son célèbre et inséparable mouchoir rose à la main.

Comme si le lieu était empreint d’un caractère sacré, les jeux de table, si fréquents dans les cafés égyptiens, n’y ont pas leur place. Il est vrai que le "maqhâ" Oum Kalthoum est encore aujourd’hui le point de rendez-vous, au même titre que le "Fishawi", d’écrivains, de poètes et autres intellectuels en quête plus de calme et d’ambiance propice à la création que de divertissement.

De très nombreux autres cafés, au Caire, en Égypte ou dans des villes de pays étrangers (Hammamet, Amman, Baghdad, Paris, Bruxelles, Berlin, Malmö…) portent le nom d’Oum Kalthoum. Tout comme celui de la rue Orabi, ils sont sans doute des lieux de nostalgie où l’on vient, tout en sirotant un thé, glougloutant une chicha et écoutant les mélopées de la "cantatrice du peuple", chercher à oublier les soucis d’une vie trop quotidienne. Comme par exemple dans cette chanson :

"Grâce à toi je me suis réconciliée avec ma vie
Grâce à toi j'ai pardonné au temps
Tu m'a fait oublier mes malheurs
Et avec toi j'ai oublié la tristesse
Tes yeux me font revivre les jours d'antan
Ils m'ont appris à regretter le passé et ses blessures
Ce que j'ai vécu avant que mes yeux te voient
Ce n'est qu'une vie perdue, comment peuvent-ils me la comptabiliser
Tu es ma vie dont le matin a débuté avec ta lumière"

("Enta Omri" - traduction Mahmoud Boudokhane)

La "Quatrième Pyramide d’Égypte" ne serait-elle pas, elle aussi, éternelle ?

Marc Chartier

sources :

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