Ce petit vase en or - tout juste 11 centimètres, à peine 210 grammes - est un véritable "bijou", une prouesse d'orfèvre ! Il est d'une élégance parfaite qui tient non seulement à sa forme bien équilibrée mais aussi au choix des motifs qui le décorent. Sa panse ventrue, qui s'évase généreusement, est ornée de "grains" qui sont travaillés dans la technique dite "en rétreinte".
Emile Vernier a étudié son décor avec attention dans son "Catalogue général des antiquités égyptiennes du Musée du Caire - Bijoux et orfèvreries", (1909) : "Les rangées verticales comptent 15 grains dont la taille s'amenuise vers le fond. Le rang supérieur est bordé d'une ligne en "arceaux" épousant l'ovale de leur forme puis laisse place à un espace uni, qui s'élève doucement, tout en se rétrécissant, pour aller donner naissance au collet".
Ce col, de forme cylindrique, est joliment orné de fins motifs, sur l'ensemble de son pourtour. "Le décor du collet est fait au tracé sur quatre rangs horizontaux. Le plus élevé se compose de feuilles lancéolées verticales, pointes en bas, avec quelques traits striés horizontaux entre elles et quelques points. La seconde zone a dix fleurs de lotus épanouies (pointes en bas) et séparées par des grappes pointillées alternant avec un décor fait de trois cercles pointillés et d'une espèce de lotus non épanoui. La troisième zone n'a que des cercles pointillés. Enfin la quatrième se compose d'arceaux s'écartant à leurs points de rencontre, de façon à présenter l'aspect d'une fleurette". Emile Vernier nous renseigne également, sur ce que nous ne pouvons voir, indiquant que "le dessous est décoré d'une rosace tracée".
L'interprétation qu'en fait, pour sa part, Francesco Tiradritti dans "Les merveilles du musée égyptien du Caire" est très intéressante : "Le précieux récipient, qui rappelle la forme d'une grenade, a été façonné par repoussage et présente un motif évoquant précisément les grains de ce fruit. À partir du Nouvel Empire, ce type de décoration apparaît assez souvent dans les objets précieux et bijoux égyptiens. On suppose que ce fruit venu d'Orient a été introduit dans la Vallée du Nil après les campagnes de conquête de la région syro-palestinienne (il figure parmi les fruits exotiques du célèbre 'Jardin botanique' de Thoutmôsis III, à Karnak). Bien que les sources écrites réfutent cette proposition, il est permis de penser que l’on devait lui attribuer des vertus apotropaïques, comme on le fit assez souvent pour les amulettes de la Basse Époque".
Ce qui caractérise également ce vase, c'est l'anneau qui devait servir à l'accrocher au mur. Dans leur "Catalogue officiel du Musée Egyptien du Caire", Mohamed Saleh et Hourig Sourouzian le décrivent ainsi : "L’anse est un anneau mobile sur lequel s’enroulent les fils d’or qui prolongent ses extrémités. L’anneau passe par le corps d’un veau couché sur une barrette qui est rivée sous le rebord du vase. Les extrémités de la barrette s’épanouissent en forme de palmettes".
En ce qui concerne l'animal représenté, les analyses divergent : Emile Vernier, y voit plutôt "un taureau couché, d'une belle exécution". Quant à Gaston Maspero, dans son "Guide du visiteur au Musée du Caire, 1915", il note que "presque sur la lèvre du goulot, une petite figure de bœuf est couchée." Il est rejoint par Francesco Tiradritti qui décrit : "un bovin couché dont la gueule est tournée vers le haut"…
On ne peut s'empêcher de "rattacher" ce vase à un autre - beaucoup plus connu - mais en argent, dont la panse est martelée de 675 cœurs et qui a, pour anse, une chèvre en or dressée sur ses pattes arrière.
Ces objets sont classés dans la catégorie "vaisselle de luxe" qui rassemble des pièces en or et en argent généralement de petites dimensions et dont "l'usage était limité à la cour".
Gaston Maspero le décrit, ainsi qu'un autre, quasi semblable et de la même provenance, précisant que : "La poterie d'or et d'argent est d'un genre que nous connaissons par les monuments, mais dont nous ne possédions aucun exemple jusqu'à présent. Les deux pots en or (n° 4214-4215), qui ressemblent à nos pots au lait modernes, continrent probablement du vin ou des sorbets parfumés analogues à ceux de l'Orient actuel".
Ce vase, qui fait partie du "Trésor de Tell Basta" - ou encore "Trésor de Zagazig" - a réapparu, en 1906, grâce à … l'installation d'une voie ferrée !
Artefacts provenant des trésors de Tell Basta - Bubastis - découverts par Gaston Maspero les 22 septembre et 17 octobre 1906 exposés au National Museum of Egyptian Civilization (NMEC) à Fustat |
Dans "Essais sur l'art égyptien, le grand Gaston Maspero relate l'incroyable histoire dans le chapitre "Le trésor de Zagazig" : "Une fois de plus, le hasard nous a bien servis. Des ouvriers qui pratiquaient un remblai de voie ferrée près de Zagazig, sur l'emplacement de l'ancienne Bubastis, découvrirent, le 22 septembre 1906, dans les ruines d'une maison en briques, un véritable trésor de bijoux et d'orfèvreries égyptiennes. Ils espéraient être seuls à profiter de la trouvaille, mais l'un de nos surveillants les avait vus, sans en rien manifester sur le moment de peur d'être maltraité par eux : le lendemain, il fit son rapport à l'inspecteur indigène, Mohammed Effendi Chaban, qui mit aussitôt la police à leurs trousses et qui prévint son chef, M. Edgar, inspecteur général des Antiquités pour les provinces du Delta".
Bien que certains objets eussent déjà été revendus, les perquisitions permirent d'en retrouver la majeure partie …
Et l'histoire ne s'arrête pas là, et se répète même ! … "Le 17 octobre un ouvrier mit à nu d'un coup de pioche plusieurs morceaux de vases en argent : il essaya de les dissimuler, mais nos ghafirs les empêchèrent et la fouille continua sous la protection de la police. Les objets gisaient en un tas, l'or entre deux couches d'argent; le soir même, ils étaient en sûreté."
Dans les pièces retrouvées, bijoux, vases, cruches et autres vaisselles, … se trouvait notre vase qui fait partie des objets de la seconde trouvaille, celle qui livra également les magnifiques bracelets aux oies de Ramsès II.
L'actuelle Tell Basta - l'ancienne "Bubastis" ou encore "Per Bastet" - est située sur un emplacement stratégique, "sur une zone de confluence entres les branches Tanitique (ou Bubastite) et pélusiaque" du Nil, qui a fait d'elle l'un des carrefours les plus importants de l'Est du Delta".
Le site, tel qu'il se présente aujourd'hui, peine à restituer la grandeur de la cité, dans laquelle se dressaient notamment deux temples, l'un dédié à Atoum, l'autre à Bastet. Hérodote décrit "un temple entouré sur trois de ses côtés par une large pièce d'eau que l'on peut restituer comme étant un lac en forme de croissant de lune". Les premières fouilles ont été menées en 1888, par Edouard Naville pour l'Egypt Exploration Found.
Ce vase a été enregistré au Journal des entrées du Musée du Caire sous la référence JE 39870 puis porté au Catalogue Général sous le n° CG 53261. Depuis avril 2021, il est exposé au NMEC (National Museum of Egyptian Civilization) à Fustat.
marie grillot
sources :
Emile Vernier, Catalogue général des antiquités égyptiennes du Musée du Caire - Bijoux et orfèvreries, Le Caire, Imprimerie de l'IFAO, (1909)
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5774000v/f40.item.r=basta.langFR.texteImage
Gaston Maspero, Essais sur l'art égyptien, E. Guilmoto Editeur, Paris, 1912?
Sydney Aufrère, Jean-Claude Golvin, L'Egypte restituée - tome 3, Editions Errance, 1997
Christine Lilyquist, Treasures from Tell Basta:
Goddesses, Officials, and Artists in an International Age, Metropolitan Museum Journal, v. 47, 2012
http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=7&ved=0ahUKEwiFuNjn_JLLAhUGuRoKHbmeABUQFgg7MAY&url=http%3A%2F%2Fresources.metmuseum.org%2Fresources%2Fmetpublications%2Fpdf%2FTreasures_from_Tell_Basta_The_Metropolitan_Museum_Journal_v_47_2012.pdf&usg=AFQjCNHzgm8E734DgzWKoGzhA1fVsLMZ0w&sig2=pa9FNZ6KIh1S-1ktgzHZMw
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