lundi 5 septembre 2016

Visiter Fowa pour son patrimoine architectural, pour la richesse de ses traditions...

En haut à g. : mosquée d’Abou al-Makarim ; en haut à dr. : photo de “Cairo Scene” (copie d’écran) ; en bas : Fuwa en 1842 - photo de J. P. Girault de Prangey

À 105 km à l’est d’Alexandrie, la ville de Fuwa (Fowa) ne figure généralement pas sur les itinéraires touristiques classiques. Elle présente pourtant un réel attrait historique et culturel que s’emploie à promouvoir, avec dynamisme et compétence, l’association locale Fondation Tourisme et Patrimoine de Fowa. 

La notoriété de cette ville remonte à l’ère pharaonique - elle est alors la capitale du septième nome ou circonscription de Basse-Égypte -, puis chrétienne, comme siège d’un évêché.

Au XIe siècle, elle est la ville principale de la région d’al-Muzahamatin (actuellement Kafr al-Cheikh) et fait partie des dotations de fief cédées par Salah al-Din à son petit-fils al-Mudaffar Taqi al-Din. Elle joue un rôle défensif très important, en arrière-garde d’Alexandrie, de Rosette et de Damiette. Toutefois, elle est attaquée et mise à sac par les Croisés en 1203. 

Étant située sur le parcours du canal d’Alexandrie, qui prendra ultérieurement le nom de Mahmoudiya, Fuwa devient à l’ère mamelouke (1250-1517) un important centre de commerce. De nombreux bateaux européens y accostent, faisant escale sur leur route vers l’Est. Ce rôle commercial explique la présence sur place de nombreux consuls européens.

Visitant Fuwa au XVe siècle, le Français Pilon note qu’en plus de ses extraordinaires bâtiments, son activité commerciale contribue à en faire l’une des plus importantes villes d’Égypte. En fait, la seconde en importance, juste après Le Caire.Durant l’époque ottomane, une grande quantité de khans y sont construits, signe de l’importance de l’activité commerciale et d’une richesse économique qui émerveille le sultan Sélim Ier lors de sa visite en 1517.

Sous l’ère de Méhémet Ali, le canal d’Alexandrie fait à nouveau l’objet d’une opération de curage. Fuwa confirme son rôle industriel, notamment avec la fabrication de fez et son activité de filature pour répondre à la demande de l’armée égyptienne. 
photo extraite de "Cairo Scene" 

Aujourd’hui, Fuwa doit sa réputation tout d’abord à un riche patrimoine architectural, constitué notamment de trois remarquables édifices islamiques : la mosquée al-Qinaï, construite en 1196 et restaurée en 1721, avec son minaret de 33 m de haut qui fut utilisé, outre sa fonction religieuse, comme phare pour guider l’activité portuaire ; la mosquée d’Abou al-Makarim, construite au milieu du XVIe siècle et restaurée en 1850, avec sa salle de prière à cinq nefs, soutenue par quatre rangées de six colonnes de marbre et granit sur lesquelles reposent des arcs brisés, et sa façade principale à trois entrées décorées selon la technique “al-mangur” (briques rouges et noires, joints de mortier blancs) ; la mosquée de Hassan Nasr Allah, haut dignitaire mamelouk, édifiée au XVe siècle et restaurée en 1703, caractérisée par les décors de la façade de l’entrée principale et de la triple arche, construite également selon la technique “al-mangur”.
Photo d’Ayman Salah

Autre source de la réputation de Fuwa : la fabrication de kilims, une industrie qui y est très florissante dès l’époque mamelouke. Qu’il soit gobelin (du nom de la manufacture française, caractérisé surtout par des scènes historiées généralement empruntées à l’héritage historique égyptien), double (tissu de grandes dimensions, décoré par des figures géométriques, des alignements de médaillons ou des figures géométriques enchâssées) ou manawichi (avec des couleurs pâles, des bordures de figures géométriques alternées de différentes couleurs, et un centre de champ sans décoration), le kilim : "est un tapis dépourvu de velours, brodé au lieu d'être noué". "Les kilims, lit-on sur le site internet de l’association locale Fondation Tourisme et Patrimoine de Fowa, sont donc uniquement faits de fils de chaîne et de fils de trame. Deux fils forment la trame : le premier est utilisé pour le décor du tapis ; le second est destiné à consolider le tapis. Le fil servant au décor est enroulé au point de chaînette autour de deux fils de chaîne. Le dessin du kilim, de par sa méthode de fabrication, est plus rudimentaire que sur les tapis noués". Les kilims sont fabriqués avec des matières premières locales, dont la laine de mouton : "collectée chez les différents éleveurs et envoyée dans un atelier où plusieurs traitements sont effectués". Les couleurs utilisées sont naturelles, extraites de plantes, comme le rouge de la racine de garance - plante ayant donné son nom à la ville de Fuwa -, le jaune de la racine du curcuma, la couleur oignon de la pelure de cette plante potagère et le violet de l’écorce de grenade.
Photos d’Ayman Salah (association Fondation Tourisme et Patrimoine de Fowa)

Organisation à but non lucratif, la Fondation Tourisme et Patrimoine de Fowa est créée en 2011. Elle a pour objectif de : "donner à la ville l'essor nécessaire à l'amélioration des conditions de vie de ses habitants tout en préservant le caractère authentique de cette petite localité du Delta", notamment par la mise en valeur de méthodes ancestrales, autant dans les pratiques agricoles que dans l’artisanat ou la pêche, qui côtoient souvent des techniques modernes. 

"Ici, précise le site internet de l’association, la vie s'écoule comme le fleuve, tranquillement, la mécanisation et la modernité n'ayant pas tout emporté. Il reste encore des artisans dont le savoir-faire remonte à la plus haute antiquité et qui perpétuent les techniques ancestrales, génération après génération, mais pour combien de temps encore ? Passez quelques heures ou quelques jours hors des sentiers battus en découvrant une richesse culturelle en voie de disparition. Accompagné par des gens du pays, vous sentirez vibrer ce pays au rythme calme et serein."

Découvrir "une autre facette de l'Égypte" : l’invitation est lancée (renseignements ci-dessous). Une invitation au calme, à la sérénité… Mais surtout à la découverte d’une Égypte “plurielle” qui ne cesse de nous surprendre par la richesse de son patrimoine, loin sans doute des splendeurs des pyramides et des temples de Haute-Égypte, mais tout aussi porteuse d’authenticité.

Marc Chartier

sources :
Dominique Auzias, Jean-Paul Labourdette, Égypte 2016, collection Petit Futé
L’Art Mamelouk : Splendeur et Magie des Sultans, ouvrage collectif, Edisud, 2001
https://sites.google.com/site/kilimfowa/ (technique du kilim)
http://www.fowafondation.com/ (Fondation Tourisme et Patrimoine de Fowa)
https://www.facebook.com/FTPF2011/?pnref=about.overview
contact en Égypte: Ayman Salah (fowa.foundation@yahoo.com)
contact en Belgique : Anne-Marie de Cock (amdc@live.be)
http://www.nile-delta-tours.com/

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