Statues de Rahotep et Nefret - calcaire peint - IVe dynastie Provenant de leur mastaba découvert par Auguste Mariette à Meïdoum en décembre 1871 Musée Égyptien du Caire - CG 3 et CG 4 |
C'est certainement le couple le plus célèbre du Musée Égyptien du Caire ! Depuis plus de 4500 ans, ils se tiennent côte à côte, regardant dans la même direction, en une union, une communion qui défient l'éternité !
Rahotep et Nefret ont été découverts lors de fouilles menées à Meydoum en décembre 1871… Alors qu'Auguste Mariette est absorbé par les derniers préparatifs de l'opéra "Aïda" - qui devait résonner lors de l'inauguration de Suez en 1869 mais ne sera finalement présenté au Caire que le 24 décembre 1871 - des ouvriers découvrent "au haut d'un monticule de sable, situé au nord et à très peu de distance de la pyramide de Meydoum, une stèle en pierre calcaire de cinq mètres de longueur sur trente centimètres de largeur. Elle venait à peine d'être tirée de terre que le principal sheikh du village de Meydoum fit suspendre les travaux et télégraphia directement à Ismaïl Pacha pour l'informer de la découverte". Albert Daninos, ancien assistant au Louvre qui, en 1869 a remplacé le regretté Charles-Edmond Gabet, est alors mandaté pour se rendre sur place et poursuivre les recherches. Il nous livre le récit suivant : "Aussitôt arrivé sur les lieux, je me rendis compte, par le contenu de l'inscription gravée sur la stèle et par la forme des caractères, qu'il s'agissait d'un tombeau de l'Ancien Empire, que les personnages qui s'y trouvaient enterrés se nommaient Râhotep et Nofret, et qu'ils appartenaient tous deux à une famille royale."
Statues de Rahotep et Nefret - calcaire peint - IVe dynastie Provenant de leur mastaba découvert par Auguste Mariette à Meïdoum en décembre 1871 Musée Égyptien du Caire - CG 3 et CG 4 |
L'histoire - la "petite" histoire qui fait la belle histoire - raconte que l'ouvrier qui découvrit les deux statues à la lueur de sa bougie ressortit du mastaba, totalement effrayé pensant avoir été en présence de revenants, ou tout simplement de vivants sortis d'un long sommeil ! Alors qu'à peine remis de son effroi, il retrace ce qu'il vient de voir "Daninos gravit à son tour l’échelle, s’engage dans le corridor, atteint le serdab, et, à la lueur tremblante de la bougie, découvre deux têtes admirables dont les regards intenses le fixent en effet. Des paupières de bronze ourlent les yeux de quartz blanc veiné de rose. La prunelle est faite de cristal de roche. L'éclat hallucinant du regard, on le saura plus tard, vient d'une sorte de clou de métal brillant fixé sous le cristal. Il a résisté 50 siècles. Il s’agit peut-être d' 'electrum' dont le secret est perdu".
Les statues de calcaire d’1,20 m de hauteur sont non seulement d'une qualité exceptionnelle qui révèle la haute maîtrise de l'artisan qui les a sculptées, mais dans un état de fraîcheur stupéfiant eu égard à leur âge !
Ces véritables trésors sont transportés avec une infinie précaution vers le musée de Boulaq, où elles émerveillent les visiteurs.
Les deux personnages apparaissent conscients de leur rang, solennels, comme drapés dans leur dignité. Ils sont représentés assis sur des sièges peints en blanc. Sur les dosserets sont finement tracées en noir, de chaque côté des visages, de courtes colonnes de hiéroglyphes.
Statue de Rahotep - calcaire peint - calcaire peint - IVe dynastie Provenant de son mastaba découvert par Auguste Mariette à Meïdoum en décembre 1871 Musée Égyptien du Caire - CG 3 |
Rahotep porte des cheveux courts, son visage est parfaitement symétrique. Son nez est bien proportionné et ses lèvres pleines sont surmontées d'une fine moustache noire. Son cou est orné d'une simple chaîne, matérialisée en blanc, à laquelle est suspendue l'amulette du cœur. Son corps est traité en ocre sombre et il porte, pour seul vêtement, un court pagne blanc. Son bras droit est replié sous la poitrine et sa main au poing serré, pouce tendu, vient se poser au niveau du coeur. Le sein droit est totalement dégagé et marqué en son centre d'une pointe brune. Son poing gauche est posé sur le côté de la cuisse.
Statues de Rahotep et Nefret - calcaire peint - IVe dynastie Provenant de leur mastaba découvert par Auguste Mariette à Meïdoum en décembre 1871 Musée Égyptien du Caire - CG 3 et CG 4 |
Les jambes sont serrées avec des genoux bien étudiés, des chevilles épaisses. Les pieds, dont les orteils sont traités sommairement, reposent sur un socle dont la couleur a disparu.
Le corps de la belle Nefret est peint en jaune pâle. Elle porte une large perruque noire ; ses cheveux coupés "au carré" s'arrêtent au dessus des épaules. Sa coiffure est "ceinte d'un joli diadème de rosettes, sous lequel on aperçoit ses cheveux naturels" (Mohamed Saleh, Hourig Sourouzian).
Statue de Nefret - calcaire peint - IVe dynastie Provenant de son mastaba découvert par Auguste Mariette à Meïdoum en décembre 1871 Musée Égyptien du Caire - CG 4 |
Le nez est fin et les lèvres, qui ne sont pas - ou plus - rehaussées de couleur, semblent bien pâles. A son cou se trouve un collier à plusieurs rangs de perles dans les tons de bleu clair, de turquoise et d'ocre-rouge se terminant par une rangée de perles en forme de "gouttes" d'un bleu sombre.
"Nefret, les bras croisés sur la poitrine, est complètement enveloppée dans un manteau qui est placé sur une tunique moulante à larges bretelles" précise Rosanna Pirelli. Sa tenue laisse deviner une poitrine ronde et bien dessinée, tout comme l'est la pointe des seins.
Les chevilles sont épaisses là aussi, presque disproportionnées par rapport au reste du corps …
Statue de Nefret - calcaire peint - IVe dynastie
Provenant de son mastaba découvert par Auguste Mariette à Meïdoum en décembre 1871
Musée Égyptien du Caire - CG 4 |
Ce qui fascine le plus dans ces statues, ce sont les regards, la façon dont les yeux sont traités pour donner l'apparence de la vie… Cette impression se trouve renforcée par les sourcils peints en noir et par le délicat "trait de kôhl" qui, cernant les yeux, souligne et accentue encore leur expression…
La description que Mariette fait des statues du couple ne manque pas de réalisme : "Elles représentent, l'une, le prince Râhotpou, l'autre, sa femme, la cousine royale Nofrit : elles ont l'un des types qu'on trouve le plus fréquemment sur les monuments de l'Ancien Empire, et ne diffèrent de beaucoup d'autres que par une rare perfection de travail et d'expression. Rien n'est plus gracieux et plus fin que le modelé des seins de la dame Nofrit sous l'étoffe légère de son vêtement; rien n'est plus vivant que la figure un peu grasse de la femme et les traits un peu niais de son mari". Il établira également que le prince Rahotep était : "grand prêtre d’Héliopolis".
Statues de Rahotep et Nefret - calcaire peint - IVe dynastie
Provenant de leur mastaba découvert par Auguste Mariette à Meïdoum en décembre 1871
Musée Égyptien du Caire - CG 3 et CG 4 |
Quant à Jean Pierre Corteggiani, il précise que : "Si Nefret est simplement désignée comme appartenant à l'entourage du pharaon, les beaux hiéroglyphes noirs peints de part et d'autre de la tête de Rahotep indiquent qu'il était grand prêtre d'Héliopolis et général, mais aussi fils d'un roi, qui, vu l'emplacement du mastaba, devrait être Snéfrou, le père de Chéops".
Un couple de VIP, donc, pour lequel un "artisan" du Moyen-Empire, extrêmement doué, extrêmement brillant, a déployé tout son art et son savoir, transformant un simple bloc de calcaire en un chef-d'œuvre qui a traversé les âges …
marie grillot
sources :
Seated Statues of Rahotep and Nofret
http://www.globalegyptianmuseum.org/record.aspx?id=14847
https://www.egyptianmuseumcairo.com/egyptian-museum-cairo/artefacts/rahotep-and-nofret/
Guide du visiteur au musée de Boulaq Gaston Maspero, ed. 1883
https://scholarship.rice.edu/jsp/xml/1911/9182/1/MusBo1884.tei-timea.html#index-div1-N18E7C
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k141741b/f235.image.r=gaston+maspero.langFR
L'Egypte des pharaons au musée du Caire, Jean-Pierre Corteggiani, Hachette, 1979
Inside the Egyptian Museum with Zahi Hawass, Zahi A. Hawass
Institut Français d'Archéologie Orientale, Mission Archéologique Française, Recueil de travaux relatifs à la philologie et à l'archéologie égyptiennes et assyriennes: pour servir de bulletin à la Mission Française du Caire
http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/rectrav1886a/0077?sid=a0473b2503fdd80583d29fc6181027c3&navmode=fulltextsearch&leftcolumn_compactview_hidden=0
Trésors d'Egypte - Les merveilles du musée égyptien du Caire, Francesco Tiradritti
Catalogue officiel Musée égyptien du Caire, Mohamed Saleh, Hourig Sourouzian, Verlag Philipp von Zabern, 1987
Les trésors de l'Egypte ancienne au musée du Caire, National geographic
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire