La fabrication du verre et le soufflage du verre sont deux techniques aussi complexes l’une que l’autre, mais très différentes. Pour une présentation de la première, telle que l’a pratiquée l’Égypte depuis son antiquité, on pourra se référer à l’article "L’Égypte, l’autre berceau du verre", publié précédemment dans "Égypte actualités" (lien ci-dessous)
Quant à la seconde, il apparaît que l’Égypte l’a également maîtrisée depuis les temps les plus anciens. Un bas-relief de la tombe d’Akhti-Hotep et Ptah-Hotep à Saqqara (repris en dessin, semble-t-il sur parchemin - auteur non identifié) montre deux équipes de trois souffleurs, se faisant face et plongeant leur canne dans un même creuset. Mais, d'après Isabella Faroppa Soliman, une passionnée de fabrication du verre en Égypte ancienne, les tuyaux utilisés devaient servir uniquement à attiser le feu.
Au nombre des inventions en usage dans l’Égypte ancienne, écrit John Gardner Wilkinson : "l'utilisation du verre, dont [les Égyptiens] avaient acquis la technique, au moins dès le règne d’Osirtasen Ier, il y a plus de 3800 ans ; et le processus de soufflage de verre est représenté, au cours de son règne, dans les peintures de Beni Hassan, de la même manière qu’il le sera sur les monuments plus tard, dans les différentes parties de l'Égypte, à l'époque de la conquête perse. La forme de la bouteille et l'utilisation de la canne sont indiquées sans équivoque ; et la teinte verte de la matière en fusion, extraite du feu, prouve suffisamment l'intention de l'artiste."
Pour sa part, Flinders Petrie pense que : "le verre soufflé n'a pas été connu en Égypte avant l'époque romaine". "Le verre était auparavant travaillé en pâte et moulé sur des corps en terre qui étaient ensuite vidés, précise Isabella Faroppa Soliman. Je ne connais pas d'objets en verre fabriqués en Égypte avant Toutmès III, qui mentionne dans ses annales de Karnak l'importation de pains de verre brut depuis la Syrie."
"À l'époque romaine, poursuit Flinders Petrie, commença l'emploi du verre soufflé. Les coupes, les bouteilles et les vases sont presque toujours soufflés, souvent entourés de fils tressés, de morceaux de verre attachés ou pressés, ou décorés de motifs imprimés dans le verre lorsqu'il était encore mou." (Arts et métiers de l'Égypte ancienne, 1915)
Parmi les observations et recherches faites en Égypte pendant l'expédition de l'armée française à la fin du XVIIIe s., figure celle-ci qui prendra place dans la célèbre “Description de l’Égypte” (1824) : "Le fourneau de verrerie (...) est à deux étages ; l'inférieur contient dans un creuset ou cuvette la matière en fusion. Le souffleur en prend au bout de la canne une quantité suffisante pour faire le ballon. Quand il est à demi soufflé, il l'introduit dans l'étage supérieur du fourneau, qui sert de four à recuire, par une ouverture pratiquée dans sa paroi. C'est dans le four à recuire que le ballon est achevé. La grosseur de 45 à 50 centimètres qu'il a acquise, ne lui permettant pas de sortir par la même ouverture qui sert de communication entre le fourneau de fusion et le fourneau à recuire, on le fait sortir de ce dernier par une espèce de canal plus large, qui est pratiqué sur un autre côté du fourneau. On emploie, pour faire ces ballons, des fragments de verre de bouteille, que l'on achète au Kaire et dans les autres villes de l'Égypte, à raison de 4 pataques le qantâr de cent rotl : ces morceaux de verre sont mêlés avec les débris de ballons qui ont déjà servi. Le feu est entretenu dans les fourneaux avec des balles de riz, de la paille de dourah ou des chenevottes de lin. Le combustible varie, au surplus, suivant les localités ; mais ce sont toujours quelques liges de plantes séchées qui forment une flamme vive et claire."
Dans son étude, publiée en 1974, Nessim Henry Henein s’intéresse à l’activité des frères Rachâd et Hasanayn Tahhân, qui font partie des : "derniers survivants d’un artisanat traditionnel de l’Égypte". L’atelier familial de soufflage est décrit dans le menu détail : le métier, son cadre, ses techniques, ses traditions, les outils, la terminologie utilisée. L’auteur énumère ainsi les nombreux outils dont le souffleur a besoin pour exercer son art : la pince ("employée à la place des doigts"), le support hémisphérique surmonté d’un petit élément en forme de U, le "kajak" (tige de fer utilisée pour mélanger les oxydes avec la pâte de verre transparent), la canne à souffler, les ciseaux, etc.
Où en est cet artisanat aujourd’hui ? Combien d’ateliers, sur les cinq mentionnés par l’étude de Henein, sont encore en fonctionnement ?
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| Souffleur de verre - Photo "Egyptian Streets" |
Les quelques reportages que nous avons pu consulter font tous référence au même artisan, un boxeur devenu souffleur : Hassan Ahmed Ali, connu comme Hassan Hodhod, qui se présente comme le dernier représentant de sa profession en Égypte. Son atelier est situé dans la Cité des Morts, au Caire. Dans les années 1990, un film - "Kaboria" - lui a été consacré, son personnage étant interprété par le célèbre acteur Ahmed Zaki. Ayant hérité le métier de son père et de son grand-père, "tombé amoureux du métier", Hassan a su développer de nouvelles techniques et introduire différents composés, ce qui confère à ses produits terminés des couleurs et des textures originales.
Le matériau qu’il utilise est du verre recyclé ramassé dans la ville du Caire et acheté au prix d’une LE le kilo. Il est fondu, à une température de 1.500° C, dans un chaudron en argile à l'intérieur du four en briques. Pour alimenter ce four, le bois, à l’origine d’une épaisse fumée noire, a été remplacé par le gaz. Une fois que le verre est fondu, il est traité avec des oxydes minéraux naturels (d’origine locale, tient à préciser Hassan !).
Ainsi se maintient en vie, au coeur de la Cité des Morts, un savoir-faire haut en couleurs, qui a traversé les siècles depuis la plus haute antiquité égyptienne. Mais pour combien de temps encore ?
"Cet artisanat du verre soufflé, écrivait déjà en1974 Nessim Henry Henein, se présente comme une survivance d’une activité ancienne ; cette technique a précédé la production industrielle du verre d’usage courant. À ce titre, par son caractère archaïque, non altéré par une quelconque influence moderne, il était intéressant de le présenter, avec toute l’habileté professionnelle qu’il exige de ceux qui le pratiquent. En revanche, c’est une production qui ne joue plus guère de rôle dans la vie quotidienne égyptienne… (même si) elle méritait d’être décrite avec quelque soin avant que le développement industriel du pays ne la fasse totalement disparaître."
Une conclusion inéluctable. Mais une bien triste conclusion quand même…
Marc Chartier
sources :
https://www.facebook.com/423633907711768/photos/a.428270520581440.104136.423633907711768/896094297132391/?type=1&theater
Nessim Henry Henein, “Le verre soufflé en Égypte”, pub. Institut Français d'Archéologie Orientale, Le Caire, 1973, 48 pages, 33 dessins, plans et croquis, 10 planches photos.
John Gardner Wilkinson, A popular account of the ancient Egyptians. Revised and abridged from [Manners and customs of the ancient Egyptians], 1854
http://www.souffleur-de-verre-de-la-recherche-scientifique.org/le-verre.html
http://www.artisanat-egypte.com/conseils/id-28-le-verre-souffle
http://www.egyptiansidekick.com/glassmakers-of-egypt/
http://egyptianstreets.com/2015/09/14/from-blaze-to-glaze-inside-egypts-oldest-glassblowing-workshop/
http://www.nytimes.com/2005/06/21/science/archaeologists-discover-an-ancient-egyptian-glass-factory.html?_r=0
http://factsanddetails.com/world/cat56/sub365/item1926.html
http://www.egyptindependent.com/news/glassblowing-city-dead
https://www.facebook.com/423633907711768/photos/a.428270520581440.104136.423633907711768/896094297132391/?type=1&theater
Nessim Henry Henein, “Le verre soufflé en Égypte”, pub. Institut Français d'Archéologie Orientale, Le Caire, 1973, 48 pages, 33 dessins, plans et croquis, 10 planches photos.
John Gardner Wilkinson, A popular account of the ancient Egyptians. Revised and abridged from [Manners and customs of the ancient Egyptians], 1854
http://www.souffleur-de-verre-de-la-recherche-scientifique.org/le-verre.html
http://www.artisanat-egypte.com/conseils/id-28-le-verre-souffle
http://www.egyptiansidekick.com/glassmakers-of-egypt/
http://egyptianstreets.com/2015/09/14/from-blaze-to-glaze-inside-egypts-oldest-glassblowing-workshop/
http://www.nytimes.com/2005/06/21/science/archaeologists-discover-an-ancient-egyptian-glass-factory.html?_r=0
http://factsanddetails.com/world/cat56/sub365/item1926.html
http://www.egyptindependent.com/news/glassblowing-city-dead






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