Le 5 janvier 1908, Edward Russel Ayrton et Ernest Harold Jones fouillent dans la Vallée des Rois pour le compte de Theodore Monroe Davis qui en détient alors la concession.
C'est dans le ouadi principal, aux abords de la KV 58 que, grâce à leur persévérance, ils feront une incroyable découverte… Le nom qui lui sera donné "annonce la couleur" : la "tombe de l'or" !
Dans "The unnamed gold tomb", le mécène américain relate ainsi, avec précision, les circonstances de la mise au jour de cette "KV 56" : "Après quelques jours de travail, avec une importante main d'oeuvre de tous âges, nous avons, à notre grande surprise, constaté que le rocher continuait à descendre verticalement, sans aucun signe de 'plat'. J'avoue franchement que cela me semblait être une perte de temps et d'argent, mais j'ai décidé de suivre le rocher tant qu'il restait perpendiculaire, nous avons donc poursuivi notre descente pendant plusieurs jours. J'étais cependant conscient que nous étions arrivés à un niveau situé sous le lit de l'ancienne vallée, et que, si une tombe existait, son contenu devait avoir été détruit. Le résultat, cependant, fut qu'après être descendu à vingt-huit pieds de la surface de notre point de départ, nous avons été récompensés par la découverte d'une tombe taillée dans la roche perpendiculaire toujours persistante. Elle s'est avérée être sans décoration ni inscriptions et consistait en une pièce de vingt-cinq pieds de large et dix pieds de haut".
![]() |
| Theodore Monroe Davis, à gauche et Edward Russel Ayrton, à droite, les découvreurs de la KV 56 photographiés dans la Vallée des Rois |
La lueur de leurs bougies leur permet de voir que : "le sol était couvert d'une épaisse couche de boue d'un mètre de hauteur dans laquelle étaient enterrés des vases en albâtre et en céramique ainsi que plusieurs objets difficiles à identifier… Ayrton passa deux jours à gratter la boue au couteau avant de voir miroiter dans la terre un minuscule fragment d'or. Avec l'accord de Davis, il arrosa le sol et finit par libérer les objets de leur gangue de gadoue … Le résultat de ce travail fut le constat d'avoir mis au jour une collection unique de bijoux d'or et argent, vieux de trois mille ans, pratiquement en aussi bon état que le jour où ils avaient été faits" (John Romer, "L'histoire de la Vallée des Rois").
Dans son "Catalogue of the jewels and precious objects of Sethi II and Tauosrit found in the unnamed tomb" (London, 1908), Georges Daressy dresse notamment l'inventaire des bijoux. Il décrit plusieurs paires de pendants d'oreilles en or, diverses amulettes, la plupart en or, comme œil d'Horus, cœur, mouches, croix de vie, inflorescence de papyrus, cartouches, figurines d'animaux, représentations d'Amon, de Thouéris, tête d'Hathor (or et cornaline), ibis (cornaline), tête de serpent (cornaline), perles, et aussi fragments de colliers, bagues et doigtiers, en or, ainsi que des bracelets en or, en argent, en électrum, …
Si la paire de boucles d'oreilles en or au nom de Séthy II constitue certainement la plus connue de ces pièces, il est un bijou d'une légèreté, d'une élégance, et d'une féminité sans égale : il s'agit de cette couronne en or attribuée à la reine Taousert. D'un poids de 104 grammes, son diamètre est de 17 cm et sur son bandeau de 0,4 cm diamètre, s'ouvrent seize fleurs de 3 cm de diamètre sur les pétales desquelles les cartouches de Séthi II et de Taousert se répondent. Ils témoignent des liens qui les unissaient, … et les unissent toujours par-delà la mort …
Voici quelques extraits de la description qu'en fait l'égyptologue Emile Vernier, dans le "Catalogue général des antiquités égyptiennes du Musée du Caire (1909)", sous la référence CG 52644 : "Une couronne composée d'une bande d'or étroite sur laquelle sont fixées seize rosaces d'or dont le centre est un bouton hémisphérique qui possède un tenon perforé à son extrémité et logé dans sa partie concave. Ce tenon traverse le centre de la rosace et celle-ci est fixée par un fil qui passe par la perforation du tenon et par un trou percé dans le bandeau de la couronne. Les rosaces portent, chacune sur quatre pétales, les cartouches de Séti II et de la reine Taousert se faisant pendants".
Quant à la technique, elle est ainsi détaillée, d'une façon quelque peu "sévère" semble-t-il : "Ces rosaces sont faites d'un métal très mince poussé dans un creux de métal, ou même de pierre, lequel avait reçu la forme exacte qui était dessinée : c'est le système de "l'embouti". Ce travail, quand il est pratiqué de façon à donner des résultats définitifs sans retouche, ne permet la mise en oeuvre que d'un métal très mince et très obéissant; la seule opération du découpage final suffit à altérer les résultats de l'embouti : le travail est donc médiocre. C'est ce que nous avons ici. Ces rosaces sont actuellement attachées avec du fil de fer".
Dans son ouvrage cité précédemment, John Romer l'évoque ainsi : "Sur un mince ruban d'or, seize fleurs de pavot étaient grossièrement ciselées. Certaines d'entre elles étaient teintes en rouge selon un procédé que les joailliers égyptiens avaient emprunté aux pays voisins d'Asie et qui consistait à plaquer sur le métal une couche microscopique d'oxyde de fer".
Quant à Christiane Ziegler ("L'or des pharaons - 2500 ans d'orfèvrerie dans l'Egypte ancienne"), elle livre cette pertinente analyse : "Il semble qu'une fleur sur deux est exécutée dans de l'or rose, formant dans l'Antiquité une alternance colorée avec l'or jaune du reste du diadème. Celui-ci, par sa taille et son décor, était destiné à une femme. Il n'a rien de royal et semble avoir été exécuté hâtivement avec très peu de métal précieux. S'inscrivant dans une tradition attestée dès l'Ancien Empire, il reproduit dans des matériaux précieux les couronnes de fleurs fraîches que les dames de la bonne société se plaisaient à porter. Les artistes du temps des pyramides comme ceux qui travaillèrent pour les princesses de Dahchour ont interprété ce thème avec une grande variété stylistique".
Taousert "La grande", Aimée d'Hathor, Dame de la montagne Rouge, La fille de Ré, aimée d'Amon, La Grande, élue de Mout était la Grande épouse Royale de Séthy II. "Taousert - la 'Thouöris de Manéthon' qui devait survivre à son époux et à ses successeurs, paraît avoir été une femme énergique et ambitieuse. Ses origines familiales restent énigmatiques, même si l'on peut imaginer que sa parentèle appartenait à la bourgeoisie de l'époque" précise Christian Leblanc dans ses "Reines du Nil", indiquant ensuite qu'elle "avait sans doute atteint un grand âge" lorsqu'elle mourut "en 1186 avant notre ère".
![]() |
| Les déesses Isis et Nephtys représentées dans la tombe de Taousert et Sethnakht Vallée des Rois - KV 14 |
La question se pose bien sûr de savoir si les bijoux de la "tombe de l'or" étaient ceux de la souveraine … "Comme la plupart des objets trouvés à l'intérieur portent les noms de Taousert et Séthi II (ainsi que Ramsès II)", Gaston Maspero estimera que tous les matériaux trouvés dans KV 56 ont été prélevés dans la KV 14, tombe de Taousert, qui a été usurpée par Sethnakht. Cyril Aldred, d'autre part, a fait valoir que la KV 56 n'était pas une cache, mais plutôt la sépulture d'un enfant de Séthy II et Taousert… Ce que John Romer pense également : "le puits avait été destiné à une enfant de cinq ou six ans… dont les parents étaient sans doute Sethi II et Taousert".
Quant à Christian Leblanc, dans son ouvrage cité précédemment, il émet cette intéressante hypothèse : "Il est peu probable que ces précieux objets aient appartenu à un enfant du couple royal, comme le croyait C. Aldred, d'autant qu'aucun reste humain n'a été retrouvé dans cette tombe puits qui, de surcroît par son plan, se rattache plutôt à la XVIIIe dynastie. Ces bijoux d'or et d'argent provenaient peut-être plus simplement d'un larcin commis et caché par quelques artisans, qui ne fut jamais récupéré pour des raisons que l'on ignore".
Cette tombe a finalement été classée comme "anonyme". Dans le cadre de "The Amarna royal tomb project", elle a fait l'objet de nouvelles fouilles dans les années 1999-2002.
Cette couronne a été enregistrée au Journal des Entrées du Musée Egyptien du Caire sous la référence JE 39674 et au Catalogue Général CG 52644.
marie grillot
sources :
sources :
Emile Vernier, La bijouterie et la joaillerie égyptienne, MIFAO, Le Caire, 1907
https://archive.org/stream/MIFAO2/MIFAO%202%20Vernier,%20%C3%89mile-S%C3%A9raphin%20%20La%20bijouterie%20et%20la%20joaillerie%20%C3%A9gyptiennes%20(1907)%20LR_djvu.txt
Theodore Monroe Davis, Gaston Maspero, Edward Ayrton, Georges Daressy, E. Harold Jones, Excavations : Bibân el Molûk, The Tomb of Siphtah, The Monkey Tomb and The Golden Tomb, The discovery of the tombs, King Siphtah and Queen Tauosrit, The excavations of 1905-1907, Catalogue of the objects discovered, London, Archibald Constable and Co. Lt, 1908
https://dn720208.ca.archive.org/0/items/tombofsiphtahmon04davi/tombofsiphtahmon04davi.pdf
Emile Vernier, Catalogue général des antiquités égyptiennes du Musée du Caire N° 52152-52639 Bijoux et orfèvreries, T.1. Fasc. 2, IFAO, Le Caire, 1909
https://archive.org/details/VernierBijouxI2
John Romer, Histoire de la Vallée des Rois, Vernal - Philippe Lebaud, 1991
Nicholas Reeves, Richard H. Wilkinson, The complete Valley of the kings, The American University in Cairo Press, 1996
Christian Leblanc, Reines du Nil, La bibliothèque des introuvables, 2009
Christiane Ziegler, L'or des pharaons - 2500 ans d'orfèvrerie dans l'Egypte ancienne, Catalogue de l'exposition de l'été 2018 au Grimaldi Forum de Monaco, Hazan, 2018
Theban Mapping Project - KV 56 - "The Gold Tomb"
http://www.thebanmappingproject.com/sites/browse_tomb_870.html








Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire