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| Différentes scènes représentant des barbiers en Egypte |
Les anciens Égyptiens sont parfois représentés portant la moustache ou une barbichette.
Mais très rarement la barbe, cet attribut étant réservé aux rois et aux dieux qui sont, écrit Jean Yoyotte : “vantés pour leur barbe 'pareille au lapis-lazuli' (...), longue, mince et finement tressée'. Le port de la barbe, dans l’ancienne Égypte, était signe de deuil, ou bien associé à un long voyage. De manière générale, les hommes se rasaient entièrement le menton, ainsi que le crâne ou bien : "gardaient les cheveux courts arborant une coupe ronde qui ressemblait à un bonnet".
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La coupe des cheveux des soldats. Ici, l'artiste donne un exemple de son talent,
en représentant les hommes avec vie, naturel, et un certain sens de l'humour.
Deux barbiers exercent leur art et rasent (?) deux recrues penchées en avant.
la tombe d’Ouserhat
http://www.osirisnet.net/tombes/nobles/ous56/ouserhat56_01.htm |
La profession de barbier était donc fréquente. La célèbre satire des métiers révèle ainsi que : "le barbier rase jusqu’aux limites du soir ; lorsqu’il se rend à la ville, il se place dans son secteur et il va de rue en rue cherchant qui raser. Il use ses bras pour emplir son ventre, comme l’abeille qui se nourrit en travaillant."
Le nom de l’un des barbiers royaux est resté célèbre : Ânkhpakhéred, qui exerçait dans la maison d'Amon, vraisemblablement dans l’enceinte du temple de Karnak. Sa charge était liée à l’obligation, à laquelle étaient soumis les prêtres égyptiens, de se raser entièrement pour l’exercice de leur fonction.
Au gré d’un très grand bond dans l’histoire, nous remarquons que la profession de barbier a fait l’objet de notations très précises de la part de savants séjournant sur les rives du Nil, notamment dans le cadre de l’Expédition d’Égypte.
On lit par exemple dans la "Description de l’Égypte" (1809), sous la plume d’Edme François Jomard, ces observations grâce auxquelles nous constatons que le rasage intégral était moins de mise au début du XIXe s. qu’il ne l’était au temps des pharaons : "Le barbier égyptien est d'une grande promptitude et d'une adresse dignes d'être citées ; il lui faut beaucoup moins de temps pour raser la tête entière qu'il n'en faut à un barbier européen pour raser le menton. Sa pose est d'un aplomb remarquable (...). Après l'opération, il a coutume de parfumer la barbe d'un homme riche avec des eaux aromatiques. Son talent principal est d'arranger la barbe à chacun, suivant sa condition, son âge et sa figure.(...) Ce sont les barbiers qui coupent les ongles des mains ; ils le font aussi à l’aide du rasoir et avec une grande dextérité. Presque tous, ils font de la chirurgie et de la médecine, racontent les nouvelles, et se mêlent d’intrigues, comme partout. On trouve chez eux, ainsi que chez les baigneurs, la pommade épilatoire, dont les hommes et les femmes font un grand usage : on sait que cette pommade fait tomber le poil très promptement et sans douleur, dans toutes les parties du corps où on l’applique. Elle est composée de chaux vive et de réalgar ou oxyde d’arsenic."
"Du reste, complète Vivant Denon, (les barbiers) sont toujours conteurs, nouvellistes, politiques comme dans les Contes arabes, et bavards en Égypte comme sur tout le reste du globe."
Dans son "Aperçu général sur l'Égypte" (1840), Antoine-Barthélémy Clot-Bey reprend, pour l’appliquer à l’Égypte, la description faite de la profession de barbier, par le docteur Brayer, à Constantinople : "Dès qu'on a pris place sur le banc de bois qui règne à l'intérieur de la boutique, le maître vous offre une pipe, se met à préparer une tasse de café, et, deux minutes après, vous l'offre brûlante. (...) Votre tour est-il venu, vous prenez la place de celui qui s'en va. Vous vous trouvez alors avoir au-dessus de la tête une tige métallique fixée par un bout dans la muraille ou au plafond, et dont l'extrémité libre, recourbée, soutient un vase de métal en forme d'entonnoir percé d'un petit trou. Tandis que vous soutenez des deux mains sous votre menton un grand plat a barbe de métal étamé, circulaire et sans échancrure, le vase suspendu vous laisse couler sur la tête un filet d'eau tiède dont le barbier profite pour frotter avec du savon la tête, le visage et le cou. Si l'on a des cheveux , il les savonne et les gratte plus longtemps, les peigne pour ainsi dire avec ses ongles ; puis avec une serviette il en absorbe l'humidité et vous enveloppe la tête d'une autre serviette bien sèche. Enfin il se met en devoir de vous raser. La barbe étant bien humectée, il prend un rasoir d'assez mesquine apparence. Ces lames qui viennent d'Allemagne coûtent à peine deux francs la douzaine, mais au moyen d'une pierre et d'un cuir ils savent les rendre excellentes. Le barbier pose son pied gauche sur le banc, puis appuyant la tête de l'individu sur son genou couvert d'une serviette, il rase, de haut en bas la joue gauche, il passe de l'autre côté et répète la même opération ; il se met ensuite en face et rase le menton, les lèvres et les poils irréguliers qui peuvent se trouver sur le visage. Si vous tenez à avoir des sourcils réguliers, il les rase de telle manière qu'ils sont parfaitement arqués. Les poils étant regardés dans le pays comme immondes, il enfonce les pointes de ses ciseaux dans l'une et l'autre narine, et les coupe ; il clapote à plusieurs reprises de l'eau tiède dans les oreilles, enlève avec un petit instrument le cérumen délayé, et coupe les poils qui sont à l'entrée du conduit auriculaire. Trouve-t-il une petite loupe, il l'enlève d'un coup de rasoir après toutefois en avoir demandé la permission à la personne intéressée. Tout cela se fait lentement, en causant, à plusieurs reprises ; car si quelqu'un entre, et que le barbier se trouve seul, il laisse sans façon la personne qu'il rasait pour offrir une pipe au nouveau venu et lui préparer une tasse de café. Pendant ce temps-là, l'homme à moitié rasé continue de fumer la pipe qu'il n'a quittée que momentanément, jusqu'à ce que le barbier le reprenne. Quand tout est enfin à peu près terminé, le petit apprenti présente un miroir pour que l'individu voie si tout est à souhait. S'il ne trouve rien à dire, le barbier frotte entre ses doigts la mèche de cheveux que les Orientaux sont dans l'usage de porter au sommet de la tête, la ploie, la couvre du fès et pose par dessus le turban ou le kalpak. L'opération dure de dix minutes à une demi-heure."
Cette longue citation de Clot-Bey, dont on sait le rôle déterminant qui fut le sien dans l’organisation du service médical en Égypte, nous amène à relever une fonction complémentaire à la profession "officielle" des barbiers égyptiens : celle de “chirurgiens”.
"(...) les barbiers (...) ont usurpé la qualité de chirurgiens, et (...) en remplissent les fonctions, écrit en 1848 Henri Gisquet dans "L'Égypte, les turcs et les arabes". "On les a réunis en corps sous la direction d'un syndic ; ils ne font aucune étude scientifique, n'ont pas la moindre notion de l'anatomie, et n'acquièrent un peu d'expérience qu'aux dépens des malheureux qui passent par leurs mains. Espérons que le service médical, encore fort incomplet, organisé par Clot-Bey, remédiera plus tard à cette affreuse situation. Mais il faut lutter contre l'abrutissement du fanatisme et contre les préventions populaires. Les efforts persévérants d'une philanthropie éclairée pourront-ils jamais en triompher ? J'en doute beaucoup !"
Dans une communication présentée devant la Société française d'histoire de la médecine sur "L'évolution de la chirurgie en Égypte au XIXe siècle", le Dr S. Jagailloux apporte les précisions suivantes : "Les barbiers effectuaient les quelques actes de petite chirurgie encore en usage, soit rituels : circoncision des garçons, excision des filles et rarement infibulation ; soit thérapeutiques : les barbiers de village ou de quartiers soignaient les plaies sans suturer par des pansements très divers qui entraînaient normalement la cicatrisation secondaire après l'inévitable et 'louable suppuration' ; ils incisaient les abcès, les thromboses hémorroïdaires, arrachaient les cils mal implantés dans les trichiasis, débarrassaient des dents cariées, pratiquaient des pointes de feu dans un but antalgique à tous propos. Mais une de leurs activités essentielles était la saignée ou plutôt les saignées (...)."
Faute de pouvoir immédiatement enrayer cette déplorable mais traditionnelle pratique, Clot-Bey a adopté la politique du moindre mal. "En attendant l'époque assez éloignée où l'Égypte pourra avoir suffisamment de médecins sortis de l'École du Caire, écrit-il en 1862, on pourrait mettre à exécution un projet que nous avons présenté depuis longtemps, lequel consisterait à donner aux chirurgiens-barbiers du pays une instruction plus étendue et plus précise que celle qu'ils possèdent. On aurait à leur enseigner en théorie et en pratique ce qui est contenu dans le Traité de médecine populaire que nous avons rédigé et qui fut imprimé, il y a cinq ans, par ordre du vice-roi."
Une telle pratique extra-professionnelle a-t-elle (eu) des ramifications contemporaines ? Il y va ici d’un inventaire, quelque peu périlleux, qui dépasse le propos du présent rappel d’une profession au passé ancré dans l’Égypte pharaonique. Une profession qui a connu, au fil du temps, des extensions inattendues, quoique liées à des coutumes traditionnelles. Une profession qui, dès l’aube de l’histoire égyptienne, détenait ses lettres de noblesse : "Du temps de Khéops, écrit Jean Yoyotte, tout menton bien né se devait d’être glabre : les barbiers royaux avaient leur rang marqué à la cour de Memphis."
Marc Chartier
sources :
Jean Yoyotte, Dictionnaire de la civilisation égyptienne, Hazan, 2011
Paul Pierret, Dictionnaire D'archéologie Égyptienne, Imprimerie nationale, 1875
Description de l'Égypte ou recueil des observations et des recherches qui ont été faites en Égypte pendant l'expédition de l'armée française, 1809
Aperçu général sur l'Égypte par A.-B. Clot-Bey : ouvrage orné d'un portrait et de plusieurs cartes et plans coloriés, Antoine-Barthelemy Clot, 1840
Vivant Denon, Voyages dans la Basse et la Haute Égypte, pendant las campagnes de Bonaparte, en 1798 et 1799, 1807
http://www.legypteantique.com/satyre-des-metiers-egypte-antique.php
http://www.culturediff.org/english/ccde13-14.htm
http://www.mediterranee-antique.fr/Auteurs/Fichiers/MNO/Menart_R/Vie_Privee_Anciens/T2/VPA_223.htm
http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/cartonnage-du-barbier-d-amon-ankhpakhered




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