mardi 15 mars 2016

Fondation t3.wy : "Fouiller dans les archives" pour une meilleure connaissance de l'égyptologie


En juillet 2014, Monique et Marcel Maessen ont créé la Fondation t3.wy. Marcel Maessen a accepté de consacrer une interview à "Égypte actualité" afin d'expliquer le rôle, le but et les actions de cette fondation.
Marcel & Monica Maessen, fondateurs de t3.wy Foundation

Égypte actualités : Votre fondation, basée au Pays-Bas, s'appelle t3.wy. Quelle est la signification de ces trois lettres, et de ce chiffre "3" ? 

Marcel Maessen : Si vous utilisez des caractères de translittération, on écrit en fait t3.wy, ce qui se prononce "taa-oewie" (ou taa-ouie), un des noms de l’Égypte ancienne.

ÉA : Quel est son but ? Quand l'idée vous est-elle venue de la créer ? Et comment fonctionne-t-elle ?

MM : Nous avons plusieurs objectifs, mais ils reviennent tous à un but : étudier l’histoire de l’égyptologie, principalement l’histoire des maisons de fouilles et l’histoire de la photographie en Égypte, en relation avec l’ancienne Égypte et l’égyptologie. Cette idée m’est venue après avoir arrêté d’écrire des textes sur l’Égypte ancienne en 2007 : je voulais me consacrer à un autre hobby.
"Metropolitan House" - photo Marie Grillot

Quand j’ai découvert que la "Metropolitan House" de Louxor [maison de fouilles où étaient logés les égyptologues du Metropolitan Museum] était plus intéressante que le Temple d’Hatchepsout, j’ai décidé de faire un virage à 180° et j’ai commencé à faire des recherches sur des sujets que personne n’étudiait à ce moment-là.
Ceci se passait en 2009 et quand je me suis trouvé au chômage en 2014, j’ai décidé de créer officiellement la “Fondation t3.wy pour la Recherche historique en égyptologie”.
Nous sommes tout un groupe de volontaires, de par le monde entier, à rechercher des documents historiques, des photographies et des faits qui jusqu’à présent ont été négligés ou ignorés.

ÉA : L'égyptologie étudie l'histoire de l'antiquité égyptienne et vous, vous retracez l'histoire de l'égyptologie qui est, somme toute, relativement récente ? Votre intérêt se porte donc en grande partie sur les égyptologues ?

MM : C’est absolument vrai, et parfois, il est plus difficile de découvrir l’histoire récente que de trouver quelque chose sur l’ancienne Égypte.
Notre sujet a été mis de côté en grande partie. Bien que beaucoup d’institutions possèdent des archives, elles ne les ont pas toujours cataloguées ou exploitées : la seule manière de trouver des informations est d’étudier ces archives. D’où le sous-titre de notre site internet et de nos projets : "Fouiller dans les Archives".
Lettre de Maspero

ÉA : Comment arrivez-vous à obtenir des documents des égyptologues ? Ces courriers, ces manuscrits, et bien sûr ces photos : ce sont des achats personnels, des dons ?

MM : Comme je l’ai déjà dit précédemment : la seule manière de faire est d’aller sur place et d’étudier moi-même les documents, s’ils ne sont pas disponibles en ligne. Heureusement, nous recevons l’aide de beaucoup d’archivistes du monde entier. Aussi longtemps que nous n’aurons pas les fonds nécessaires pour entreprendre les voyages et pour assurer les mois de recherche que nous effectuons, nous dépendrons beaucoup de leur aide.
La généalogie est aussi une partie de notre recherche : elle nous permet, par exemple, de retrouver les descendants d’un égyptologue, pour voir s’il reste des archives familiales.
Des tractations avec les maisons de ventes aux enchères constituent également une partie de notre recherche, car de nombreux documents passent par ce canal pour être vendus.
Au total, 99% de notre travail consiste à envoyer des e-mails, à regarder des fichiers de généalogie, à consulter internet à la recherche d’informations, etc.
Et ceci avant même que nous ne commencions le vrai travail de recherche !

ÉA : Quel est le document qui, à vos yeux, a le plus d'importance, et comment est-il arrivé entre vos mains ?

MM : Actuellement, tout ce qui a rapport à l’histoire de l’égyptologie et qui ne se limite pas à une seule sorte de documents. Des photos peuvent donner des informations sur les sites et leur état de préservation ; des lettres peuvent dévoiler des sujets personnels ou professionnels (découvertes, traductions de textes anciens,…) ; des carnets de notes peuvent compléter des informations qui n’ont pas été reportées dans des rapports, etc. 
Les documents m’arrivent essentiellement en les demandant "gentiment. Au début, cela a été très difficile, beaucoup d’institutions étant très prudentes : "Quel est ce Néerlandais qui nous demande de vieux documents, de vieilles photos, etc. ?"
Maintenant, après 6 ans de contacts avec mes correspondants, à force de leur demander l’information nécessaire, ils ont constaté que nous faisons du bon travail, que nous sommes dignes de confiance, fiables et sans doute un partenaire sérieux pour le futur.
Tenir nos promesses et être honnêtes sont les mots-clefs de notre Fondation !
Maison de Toud

ÉA : Sur votre site, vous consacrez un travail extraordinaire à l'histoire des "dig house", les maisons de fouilles. Ces demeures qui ont accueilli les plus grands de l'égyptologie ont une merveilleuse histoire. Comment avez-vous pu recueillir cette impressionnante somme d'informations ?

MM : Certaines informations, principalement ces deux dernières années, nous arrivent spontanément. Les gens savent et aiment ce que nous faisons ; ils envoient des liens, des adresses e-mail ou même des documents complets. Pour le reste, c’est un dur labeur, presque comme celui d’un inspecteur de police, une longue recherche, une liaison entre plusieurs personnes sur des années et, lentement mais sûrement, on atteint l’objectif qu’on s’est fixé.
Ce qui ne veut pas dire que toute l’information soit disponible dès le début, afin de publier un article. Plus d’une fois, nous avons dû ajouter des informations nouvelles !
Par exemple : une de nos premières recherches a été faite sur la Metropolitan House de Louxor. Trois ans après avoir publié l’article initial, nous avons reçu des informations complémentaires venant du Dr. Nicholas Warner, contenant des informations nouvelles ou révisées : elles ont été ajoutées à l’article. D’ici quelques mois, je pense recevoir de nouvelles informations qui compléteront à nouveau l’article.

ÉA : Quelle "dig house" a selon vous la plus belle histoire ?

MM : À mon avis, la Metropolitan House de Louxor. D’un côté, parce que ce bâtiment a été utilisé comme maison de fouilles dès son inauguration en février 1913 et parce qu’elle est toujours utilisée dans ce but par la mission polonaise de Deir el-Bahari ; d’autre part, parce que cela a initié nos recherches sur les maisons de fouilles en 2009. La maison et ses occupants ont une importance spéciale pour moi et nous la visitons chaque fois que nous venons à Luxor.

Cela ne signifie pas que d’autres maisons de fouilles sont ou ont été moins importantes ! Chaque maison a pris sa place dans l’histoire et a accueilli des égyptologues du monde entier afin qu’ils accomplissent au mieux leur métier.

ÉA : Accepteriez-vous de nous présenter votre grand projet "AIPP" ?

MM : Oui évidemment, mais je pense que la Fondation t3.wy n’initiera pas ce projet elle-même... Il est mis en ligne comme un catalyseur pour que tous les musées du monde coopèrent et publient ce qu’ils ont, de manière à ce que les égyptologues d’aujourd’hui et de demain, ainsi que les étudiants et les visiteurs puissent en bénéficier pleinement.
L’objectif est d’arriver à ce que les musées coopèrent, partagent leurs informations et les intègrent dans une base de données mondiale, de manière à ce que les scientifiques puissent étudier les objets, contribuant ainsi à une meilleure connaissance de ceux qui ont été trouvés en Égypte durant les 200 dernières années.
Manifestement, des informations seront perdues : cela concerne notamment les artefacts qui se trouvent dans les collections privées, mais nous devrons vivre avec cette perte !

Propos recueillis par marie grillot, avec la collaboration de Raymond Betz




Pour mieux connaître et aider la fondation : http://www.t3wy.nl

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire