Depuis l'enfance, Amandine Marshall voulait être égyptologue. Mais cela ne l'empêche pas de prendre la liberté de publier un ouvrage sur les mythes de la Grèce antique en 1997, puis un roman historique dans le cadre d'une Pompéi bientôt vouée aux cendres…
En 2010, elle est chargée de travailler à la réalisation d'un musée "Mariette" à Boulogne-sur-Mer, projet qui sera finalement enterré mais donnera lieu à la publication d'une magnifique biographie sur le premier grand égyptologue…
Sa volonté, sa passion, sa capacité de travail sont couronnées par un doctorat en égyptologie en 2013, année même où sort des presses, en collaboration avec Roger Lichtenberg, "Les momies égyptiennes."
Puis elle se lance dans la rédaction de ce qui deviendra une "trilogie" issue de ses travaux de doctorat : "Être un enfant en Égypte ancienne", puis "Maternité et petite enfance en Égypte ancienne", et bientôt - à paraître - "L'enfant et la mort en Égypte ancienne".
Mais… comme Amandine est infatigable et qu'elle se donne dans tous les registres, elle écrit également des livres pour enfants, des articles, contribue à des ouvrages collectifs et à des expositions. Elle nous présente "son petit dernier" qui va sortir tout prochainement de l'imprimerie : "Bienvenue à l'école des petits scribes" publié aux éditions du Rocher.
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| Extrait du site internet d'Amandine Marshall |
Égypte actualités : Sur la première page de votre site internet, en introduction, cette question "Doit-on se restreindre à une seule passion dans la vie ?" … Votre réponse est "claire" et sans équivoque ?
Amandine Marshall : La passion est véritablement un don, c‘est une flamme sacrée qui brûle de l’intérieur, qui fait partie de vous, qui vous nourrit d’une énergie incroyable, vous relève quand le moral flanche, qui vous donne l’envie d’apprendre encore et toujours, et de partager cette richesse culturelle avec les autres, petits et grands, collègues ou simples curieux.
J’ai eu la chance d’hériter de plusieurs passions dans la vie : une passion pour l’histoire qui m’a saisie dès la fin de la maternelle, quand mon institutrice nous racontait les périples d’Ulysse, à bord d’un grand bateau en bois que son mari avait construit et dans lequel nous faisions classe. Mon engouement pour les mythes grecs était tel qu’à la naissance de mon premier frère, je décidai qu’il s’appellerait Télémaque ! J’avais tout juste quatre ans et demi... Paraît-il que c’est ainsi que je l’appelais durant plus d’un an. Car en plus d’être passionnée, j’ai hérité aussi d’un autre don, celui d’être particulièrement tenace et déterminée !
À l’école primaire, j’avais décidé d’être archéologue et auteur et de travailler plus tard en Grèce. Un coup de foudre pour la civilisation égyptienne, en 6°, a modifié ce projet mais sans me faire renoncer à mon inclination pour la Grèce antique. Ma passion pour l’écriture est également très ancienne. Alors que je ne savais pas encore écrire, j’ai un jour dit à ma mère que plus tard, j’écrirai des livres ! La passion était déjà là, en moi. En 5°, j’ai eu l’incroyable chance de partager un projet commun monté par notre professeur de français, consistant à écrire un livre se déroulant à Pompéi, projet assorti d’un séjour-découverte dans plusieurs sites antiques d’Italie. J’avais enfin l’opportunité d’écrire un livre et ça n’a pas été une révélation mais bien une confirmation. Aussi, ai-je décidé, à 14 ans et demi, de me lancer dans l’écriture de mon premier livre sur des légendes peu connues de la mythologie grecque. Le livre est paru alors que j’étais en dernière année de terminale et si certains dans mon entourage en doutaient jusque-là, la machine était définitivement lancée !
Comme en France, on est obligé de restreindre son champ universitaire à une seule discipline, j’ai choisi tout naturellement l’égyptologie, mais sans abandonner le grec ancien que j’ai pratiqué durant 14 années, ni les chantiers de fouilles en Grèce (Thasos et Philippes) ou encore les livres dédiés aux mythes grecs ou à Pompéi.
Et maintenant que je suis affranchie du moule universitaire avec l’obtention de ma thèse, je compte bien faire ce qui me plaît. On m’a dit que seuls les égyptologues ratés écrivaient pour les enfants, que je ne serai jamais considérée comme une “vraie” égyptologue si je m’intéressais à la Grèce, ou encore que les “vrais” égyptologues écrivaient pour l’élite et publiaient dans de “vraies” maisons d’édition scientifique. On n’a qu’une vie et j’ai la chance de pouvoir la mener comme je l’entends, ce qui n’est pas le cas de bien des gens de par le monde. Alors je refuse de limiter mes passions, mes centres d’intérêt ou mes activités. J’adore tout ce que je fais, la recherche, l’écriture ainsi que le partage et la transmission du savoir hérités de ma mère, professeur d’histoire, et je n’ai nulle intention de changer cela. J’ai besoin de cet équilibre pour être épanouie et c’est là ma seule ambition dans la vie.
ÉA : Vous avez écrit une dizaine d’ouvrages : livres scientifiques, roman historique, biographie… Quand l'envie de se consacrer à un ouvrage naît-elle ? Comment le sujet germe-t-il dans l'esprit ? Et pourquoi se lance-t-on dans l'écriture ? Un exutoire ?
AM : L’envie d’écrire est, dans mon cas, indissociable de l’envie de transmettre des connaissances ou un intérêt. Ce qui m’intéresse surtout dans le cas des ouvrages que j’ai réalisés pour les adultes, c’est d’aborder des thématiques originales ou de les exploiter sous un angle inédit ou peu connu. Écrire pour publier un livre ne m’intéresse pas. Les sujets d’écriture vont souvent germer dans mon esprit suite à des discussions avec les gens, parfois même à des demandes. "Auguste Mariette" est une biographie que j’ai réalisée suite à un échange impromptu avec Christian Leblanc. Il savait que j’avais travaillé un an à Boulogne-sur-Mer sur un projet de musée à la mémoire de ce brillant égyptologue et que j’avais découvert divers documents inédits. Étant alors directeur de collection aux éditions La Bibliothèque des Introuvables, il m’a proposé de réfléchir à la possibilité d’exploiter mon travail et cette riche documentation.
"Légendes du ciel étoilé" m’a été inspiré par des passionnés d’astronomie qui avaient eu plaisir à découvrir quelques mythes de constellations dans mon premier livre sur des légendes peu connues des mythes grecs. "Maternité et petite enfance en Égypte ancienne" m’a été suggéré par des membres de l’Association France-Égypte de Limoges à l’occasion d’une conférence sur cette thématique. Je n’avais alors jamais songé à en faire un livre et ces personnes m’ont fait remarquer qu’il y avait un manque terrible en égyptologie sur le sujet et qu’avec la documentation que j’avais rassemblée sur la maternité et mes travaux sur la petite enfance, j’étais amplement qualifiée pour réaliser un tel ouvrage.
Le plaisir que j’ai à écrire est indéniable, il est même vital. Mais il est vrai que c’est aussi un exutoire. J’ai la chance de pouvoir oublier mes problèmes quand je travaille et ayant connu une période de deux ans et demi de problèmes très sérieux de santé, il est clair et net que de me jeter à corps perdu dans le travail et dans l’écriture m’a été d’un grand secours pour ne pas sombrer.| Hochet d'enfant |
ÉA : Au fil du temps, vous êtes devenue une "référente" et même une "référence" sur l'enfance, et l'enseignement dans l'Égypte ancienne : quand et comment avez-vous décidé de vous consacrer à ces thèmes d'études ?
M : Je suis beaucoup plus portée par les thématiques qui touchent à la vie quotidienne qu’à celles qui se penchent sur la religion ou les pharaons, par exemple. J’ai besoin que les choses me parlent, qu’elles me touchent. En 2006, quand j’ai découvert au cours d’une fouille un hochet d’enfant, particulièrement grossier, à tel point qu’il était impossible d’identifier l’animal qu’il évoquait à l’origine, j’ai été beaucoup plus sensible à cette trouvaille que s’il s’était agi d’une statue royale ou d’une stèle.
Quand je suis arrivée en maîtrise, j’ai demandé à travailler sur une thématique du quotidien, éventuellement en rapport avec la famille. Et durant un an, j’ai travaillé sur l’image des enfants dans les tombes thébaines du Nouvel Empire. J’ai souhaité poursuivre mes recherches sur la thématique de l’enfance en thèse mais l’on m’en a empêchée, l’une de mes supérieures invoquant le fait que tout avait été fait sur le sujet de l’enfance, l’autre me disant que l’étude des enfants était trop superficielle comme sujet de thèse. Résultat, on m’a finalement donné comme sujet de thèse les récompenses royales de l’Ancien Empire au Nouvel Empire, sujet que j’ai commencé à aborder en DEA à travers les récompenses militaires de la mouche et du lion. Le thème des récompenses royales ne m’emballait pas car il ne me parlait pas vraiment et je n’avais aucune passion à travailler dessus. Et ça, c’est fondamental quand on s’engage sur la voie longue et difficile de la thèse. J’ai donc réalisé un DEA et fait deux premières années de thèse sur le sujet, jusqu’au jour où j’ai appris qu’une Australienne était sur le point de soutenir sa thèse sur les récompenses en or au Nouvel Empire. Inquiète, j’en ai fait part à mon directeur de recherche et il m’a obligée à arrêter mon doctorat, arguant qu’il ne pouvait y avoir deux spécialistes sur le même sujet, alors que son travail ne faisait qu’un chapitre du mien. J’ai donc dû arrêter ma thèse. Je suis partie travailler l’année suivante à Boulogne-sur-Mer sur le projet d’un futur musée dédié à la mémoire d’Auguste Mariette et j’ai décidé, en parallèle, de repartir sur le sujet des enfants qui m’intéressait. Je n’étais pas convaincue que “tout” avait été fait sur le sujet et peu m’importait que d’autres le considèrent comme un sujet superficiel de recherche, il m’intéressait et c’est la chose qui importait à mes yeux. J’ai eu finalement l’occasion de faire valider mes travaux en thèse et de prouver que loin d’être un sujet secondaire ou superficiel, l’étude des enfants était fondamentale et que ce thème n’avait finalement été que peu exploité dans son ensemble.
ÉA : En 2005, vous participez à la Mission Archéologique Française de Thèbes-Ouest dirigée par le Dr Christian Leblanc, puis en devenez chercheur associé. Vous travaillez alors au Ramesseum sur la documentation de l’école (per-ânkh). Qu'avez-vous découvert ?
AM : Mes découvertes ont été fort variées car avant d’être choisi comme endroit pour l’érection du temple de millions d’années de Ramsès II, le site du Ramesseum avait été utilisé à la Deuxième Période intermédiaire comme cimetière. Et par la suite, lorsque le temple et ses dépendances furent abandonnés, durant la Troisième Période intermédiaire, les lieux furent à nouveau réinvestis de leur fonction funéraire. Si bien que lorsque la zone de l’antique institution scolaire du “per ânkh” fut découverte et fouillée, les différents niveaux d’occupation du sol produisirent aussi bien des momies que des brouillons scolaires. Des éléments en rapport avec un four de potier construit à la XVIIIe dynastie, dans ce qui allait devenir la cour de l’école, furent également mis au jour. Il s’agissait principalement de petites figurines en terre cuite à vocation cultuelle ou funéraire. Aucune momie complète ne fut dégagée dans l’enceinte du “per ânkh”. Les pilleurs étaient déjà passés par là et avaient massacré les corps exhumés. À l’exception d’une tombe intacte mais dont la momie à l’intérieur fut découverte écrasée par l’effondrement du plafond et de la terre qui recouvrait l’ensemble, malgré un cercueil en bois qui a également très mal résisté à cet écroulement et au temps, ce ne sont que des restes humains, momifiés ou non, qui nous sont parvenus, ainsi que des fragments de cercueils en bois ou en cartonnage.
| Ramesseum : cercueil effondré avec des briques placées au centre pour éviter l’effondrement des parois |
Quant aux ostraca scolaires, en cours d’étude et prochainement publiés par Christian Leblanc et Christophe Barbotin, il s’agit aussi bien d’ostraca rédigés en hiératique qu’en hiéroglyphes ainsi que des essais figurés, peints ou gravés. À mes yeux, les plus belles découvertes qu’il m’ait été donné de faire, de tous les sites que j’ai eu l’occasion de fouiller. Ces ostraca scolaires mais aussi la découverte de billes encore en place dans la cour de récréation. Un moment fort et vraiment touchant car le quotidien des enfants n’est que très rarement perceptible dans la documentation antique.
Quelques bijoux ont été également découverts, généralement en faïence bleue, un matériau n’ayant aucune valeur économique pour les pillards qui les ont laissés sur place.
ÉA : Un nouvel ouvrage sort ces jours-ci "Bienvenue à l'école des petits scribes". Il s'adresse aux 9 ans et plus : un cours d'initiation à l'écriture hiéroglyphique vraiment "abordable" dès 9 ans ?
AM : Une fois encore, c’est un livre dont l’idée d’écriture m’a été suggérée par les enfants, parfois leurs parents ou les instituteurs. Je propose depuis une dizaine d’années maintenant des initiations aux hiéroglyphes accessibles aux enfants. Le plus souvent, elles prennent la forme d’un module de 2 heures, avec une heure de cours interactif avec les enfants et une heure d’écriture en hiéroglyphes. Parfois, j’ai eu l’occasion de pousser cet enseignement à six heures de cours en 6°, toujours décomposées en une heure de cours et une heure d’atelier.
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| Néfertari jouant au senet (peinture de sa tombe dans la Vallée des Reines) |
Ce que j’ai adoré le plus dans ces initiations poussées, c’est de montrer en toute première heure l’image célèbre de Néfertari jouant au senet aux enfants en leur disant que trois jours plus tard, ils seraient capables de traduire et de lire en égyptien le texte de cette scène sans mon aide. Ils étaient à la fois émerveillés et très suspicieux ! Et le cadeau que je reçois d’eux, c’est de voir ces yeux qui pétillent quand ils parviennent finalement, tout seuls, à déchiffrer ce court texte. C’est un moment de plaisir partagé absolument génial auquel je ne renoncerai jamais, quitte à être considérée comme une égyptologue ratée !
Beaucoup de mes jeunes élèves sont venus me demander si je pouvais leur conseiller un livre d’initiation aux hiéroglyphes pour aller plus loin et j’ai constaté qu’il y avait véritablement un manque. D’où l’idée de faire ce livre en m’inspirant directement de mon expérience avec les enfants. Son gros avantage, c’est qu’il est parfaitement adapté aux enfants car au fil des années, j’ai pu me rendre compte de ce qui les intéressait, ce qui leur semblait difficile… et donc diriger la rédaction de ce livre en connaissance de cause.
On a souvent tendance à sous-estimer les incroyables facultés des enfants à apprendre. Mais c’est surtout l’angle d’attaque et la façon d’expliquer les choses qui font la différence. Et j’ai pu me rendre compte que l’on pouvait aller très très loin avec les enfants dans l’initiation des hiéroglyphes avant d’atteindre la ligne où les choses commencent à se compliquer vraiment.
ÉA : Votre livre offre plus qu'un apprentissage des hiéroglyphes : il permet une approche de la civilisation égyptienne, de l'histoire, de la géographie, une façon intelligente et ludique d'apprendre ?
AM : Quand je fais un cours de hiéroglyphes à des enfants, il y a constamment un échange avec eux. Je leur pose des questions, je fais des comparaisons avec notre langue, il n’y a pas de moment où l’apprentissage devient pesant et l’heure de cours est toujours suivie d’un atelier où les enfants pourront mettre en pratique ce qu’ils auront vu à travers des exercices ludiques, des jeux et l’écriture en hiéroglyphes. Le fait d’occulter cette interaction vivante aurait rendu l’approche de ce livre ardue et fastidieuse, donc j’ai décidé d’aborder les notions faciles de grammaire et de conjugaison en fin de chapitre, dans un "Petit Plus" et d’appréhender l’initiation aux hiéroglyphes à travers dix thématiques parmi lesquelles les dieux, le pharaon, la maisonnée, la géographie, l’astronomie ou encore la momification. Cela permet tout à la fois à l’enfant d’en apprendre plus sur la civilisation égyptienne tout en s’initiant aux hiéroglyphes.
Propos recueillis par marie grillot





Bonjour!
RépondreSupprimerUn excellent bouquin que je recommande chaudement !
Bonjour !
RépondreSupprimerBienvenue à l'école des petits scribes, un bouquin que je recommande chaudement !!
Très pédagogique, c'est une pépite pour les petits et les grands !