dimanche 28 juin 2015

La citerne el-Nabih d'Alexandrie : l'eau à tous les étages !


Aux époques ptolémaïque et romaine, Alexandrie était alimentée en eau par un réseau de puits et d’hyponomes (galeries captantes) permettant d’exploiter les nappes souterraines alimentées soit naturellement par les eaux d’infiltration, soit artificiellement par un canal reliant la ville au Nil distant d’une trentaine de kilomètres. Malheureusement, suite au tsunami du 21 juillet 365 qui détruisit plus d’un tiers de la ville, l’aquifère d’eau douce fut pollué par les eaux salées de la Méditerranée, et “le tsunami ne fut que la ‘goutte d’eau qui fait déborder le vase’, précise Isabelle Hairy, car, avec l’augmentation de la population de la ville à l’époque romaine, les besoins en eau s’étaient accrus, favorisant une suralimentation artificielle de la nappe phréatique dont le niveau devenu trop haut a empêché une migration correcte des sels. Ces effets conjugués ont irrémédiablement conduit à la désagrégation d’un système très bien pensé au départ.” (“L'eau alexandrine : des hyponomes aux citernes”)



Les habitants d’Alexandrie firent alors preuve d’ingéniosité pour stocker l’eau dont ils avaient besoin, notamment par la construction, entre les Ve et VIIe siècles, de volumineuses citernes, puis, à l’époque des Fatimides, de citernes à plusieurs niveaux, dont celle d’el-Nabih. Ces citernes toutefois ne pouvaient être être fonctionnelles qu’avec l’ancien réseau hydraulique (puits et hyponomes) alimenté en eau claire et potable durant la crue du Nil en août et septembre, au moyen de machines élévatrices (“sakiehs”), ou par les eaux de pluie durant les autres périodes de l’année.

Située en centre ville sous les jardins de Shallâlât, au pied des anciennes fortifications toulounides du IXe siècle, la citerne totalement enterrée d’el-Nabih est un des plus beaux vestiges de ces infrastructures hydrauliques. Construite en partie avec des matériaux de recyclage (colonnes gréco-romaines ou byzantines et chapiteaux), d’un volume de 1.000 m³, elle est creusée dans le calcaire du sous-sol alexandrin. Avec ses trois étages de colonnades entrelacées, elle ressemble à une “cathédrale souterraine” selon l’expression admirative de l’archéologue Jean-Yves Empereur.


Classée monument historique en 1990, la citerne d’el-Nabih a fait l’objet, depuis 1996, d'un vaste projet de conservation et de mise en valeur élaboré par le Centre d’études alexandrines (CEAlex), sous les auspices des Antiquités égyptiennes et en partenariat avec le groupe énergétique Gaz de France, dans le but de sensibiliser le public alexandrin à la sauvegarde de son patrimoine archéologique et à la gestion des ressources naturelles.
Photo : Aimé Lebon
Pour des raisons de salubrité publique, après avoir “permis à la ville d’exister pendant près de 24 siècles, de se développer puis de renaître”, le système hydraulique “à l’ancienne” d’Alexandrie était voué à disparaître. Un arrêté municipal de 1911 interdit de prendre de l’eau au canal Mahmoudieh en cas d’épidémie cholérique, tandis qu’un autre ordonna la fermeture et le comblement des puits et des citernes pour prévenir les nombreuses maladies se propageant par cette voie. Progressivement, un réseau moderne d’alimentation en eau fut installé de quartier en quartier, le patrimoine bâti de la ville dût-il en faire les frais.
L’ultime utilisation de cette citerne et des autres de la ville d’Alexandrie n’a aucun lien avec leur destination première : elles servirent d’abris antiaériens durant la Seconde Guerre mondiale.
Au terme de cette histoire chaotique, la splendeur architecturale de la citerne el-Nabih est devenue aujourd’hui l’une des futures attractions touristiques d’une ville qui n’en finit pas de nous séduire, le CEAlex travaillant à son accessibilité pour les visiteurs.

MC

Sources
https://www.academia.edu/8020768/Leau_alexandrine_des_hyponomes_aux_citernes
http://www.liberation.fr/culture/2003/12/25/les-citernes-enfouies-d-alexandrie_456464
http://www.cealex.org/sitecealex/savoirplus/hydraulique/SH_CIT_ALX_F.HTM
http://www.cealex.org/sitecealex/navigation/FENETR_NAVpatr_eln_F.htm
http://ema.revues.org/2903?lang=en#tocto2n16
https://www.wikiwand.com/fr/Citerne_al-Nabih

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