jeudi 26 juin 2014

Harry Burton : "LE" photographe de Toutankhamon

Harry Burton (Stamford, Royaume-Uni, 13-9-1879 - Assiout, Egypte, 27-6-1940)
archéologue, photographe auquel on doit, notamment, les merveilleux clichés de la découverte de la tombe de Toutankhamon
photographié par "The Sphere" (10-2-1923) avec l'un de ses assistants (dont le nom est inconnu) et sa camera Sinclair 


On lui doit les plus beaux clichés de l'égyptologie ! Il est "LE" photographe officiel de Toutankhamon ! Mais là, je devance l'histoire …

Fils de William Burton, ébéniste, et de Anne Hufton, Harry naît le 13 septembre 1879 à Stamford au Royaume-Uni. La fratrie est nombreuse : il est le cinquième de onze enfants. Alors qu'il a une quinzaine d'années, un gentleman fortuné de son entourage, historien et spécialiste de la Renaissance italienne, changera le cours de sa vie. Robert Cust "l'adoptera", veillera à son éducation et, lorsqu'il décidera de déménager vers Florence pour être au plus près de sa passion, l'emmènera avec lui pour le seconder. C'est dans la cité florentine que Harry se familiarisera avec la photographie et révélera très vite un véritable talent, notamment en photographiant des peintures. En 1903, il y fait la connaissance d'Emma B. Andrews qui s'intéresse à son travail. 

Cette belle rencontre sera déterminante ! Emma est une cousine de l'épouse de Theodore Monroe Davis (elle était certainement plus que cela…), richissime avocat et homme d'affaires de New York qui vient d'obtenir la concession de fouilles de la Vallée des Rois. En 1905, Harry est non seulement devenu l'un des meilleurs photographes de l'art florentin, mais aussi un intime du cercle "Davis" qui ne tardera pas à le solliciter…
Harry Burton (Stamford, Royaume-Uni 13-9-1879 - Assiout, Egypte, 27-6-1940)
Archéologue, photographe auquel on doit, notamment, les merveilleux clichés de la découverte de la tombe de Toutankhamon

Dans "The Millionaire and The Mummies, Theodore Davis's Gilded Age in The Valley of The Kings", John M. Adams relate : "Ce sera une véritable aventure pour le photographe lorsque, en 1909, Davis l'emmena de Florence en Egypte, plus comme ami que comme employé, pour faire des photos dans la tombe d’Horemheb. Cependant, au cours de l'été, Cust s'était marié et avait décidé de quitter l'Italie afin de retourner en Angleterre. Maintenant, pour continuer la vie à laquelle il s'était habitué, Burton avait besoin d'un nouveau patron"…
Theodore Monroe Davis (Springfield, New York, 7-5-1838 - Miami, Floride, 23-2-1915)
Homme d'affaires, avocat, collectionneur et bienfaiteur il a notamment détenu la concession de la Vallée des Rois de 1902 à 1912

Tout naturellement ce sera Davis… Harry n'est pas archéologue et il sera très reconnaissant de cette opportunité qui lui sera donnée dès 1910. Travaillant dans un premier temps aux côtés de Harold Jones, il se montrera courageux, volontaire, entreprenant et charmera par sa gentillesse. "Gaston Maspero avait approuvé l'embauche de Burton, charmé par son caractère posé, son intelligence, et ses grandes qualités de photographe" (John M. Adam). 

L'année suivante, au décès d'Harold Jones, il lui succède en tant que directeur de fouilles de Davis. Il poursuit le travail de nettoyage de la KV 3 (fils de Ramsès III), celui de fouille de la KV 47 (Siptah). Puis il s'engage dans le déblaiement de la KV 7 (Ramsès II), mais il abandonnera au bout d'un mois en raison des difficultés… Maspero lui demandera de travailler dans le palais royal du temple de Ramsès III à Medinet Habou.

Harry habite dans la maison que son mécène avait fait construire dans la Vallée de l'Ouest. Dans son ouvrage "Histoire de la Vallée des Rois", John Romer raconte : "Burton avait transformé la maison de fouilles en un lieu de séjour des plus agréables, tapissant les murs de l'une des chambres de photographies qu'il avait prises, comme le Grand Sphinx au pied des pyramides de Giza, que l'Illustrated London News publia, ou encore de charmants 'cottages' évoquant l'Angleterre et ses paysages riants". Eprouvait-il quelque nostalgie ? "Burton commandait ses costumes chez les plus grands tailleurs britanniques qui avaient des succursales au Caire" et "se faisait livrer des provisions venues d'Europe". "Les journaux le 'Daily Mail' ou la 'Westminster Gazette', lui apportaient les échos de la situation politique en Europe" poursuit l'auteur.
Dans la Vallée de l'Ouest (West Valley ou Vallée des Singes), le mécène américain Theodore Monroe Davis fit bâtir
en 1905-1906, une petite maison pour y loger ses équipes. Harry Burton s'y installera

En 1912, Davis abandonne sa concession, prononçant ces mots demeurés célèbres par leur manque de prémonition : "I fear that the Valley of the tombs is now exhausted". Harry Burton confiera : "Si M. Theodore Davis pour qui j'effectuais les fouilles n'avait pas arrêté son dernier chantier trop tôt, je suis convaincu qu'il aurait découvert la tombe de Toutankhamon. Nous en étions à moins de 2 mètres. A ce moment précis, craignant que si nous continuions de creuser, le chemin adjacent ne s'affaissât, M. Davis m'avait donné l'ordre de cesser mon travail" …

En mars 1914, à Naples, il retrouve Davis dont la santé s'est dégradée. Il s'agira de leur dernière rencontre.

Le 18 juillet 1914, à Chelsea, Harry Burton épouse Minnie Catherine Duckett, divorcée d'Alexander Young. Il a alors 34 ans, elle 36, elle est anglaise, comme lui, mais c'est à Florence (Italie) que le couple s'installe quand il n'est pas en Egypte, car elle sera "de tous les voyages".
Minnie and Harry Burton at the Metropolitan Museum Expedition House at Qurna, Egypt
(© Metropolitan Museum of Art, New York)


Davis meurt à Miami, le 23 février 1915. Non seulement il laissera une petite part de son immense héritage à Harry mais il avait pris soin d'organiser son avenir… Il avait en effet demandé à Albert Lythgoe, conservateur du département égyptien du Metropolitan Museum of Art de New York, de l'engager comme photographe de l'expédition, ce qui sera fait en 1915.
Group photograph of the Metropolitan Museum's Theban Expedition team, early 1920s.
Left to right, back row: Walter Hauser, Herbert Winlock, Harry Burton, Mrs. Mace;
front row: Minnie Burton, Sir. H. Ryder Haggard, Lady Haggard, Mrs Armstrong, Helen Winlock
(© Metropolitan Museum of Art, New York)

Conscient que la photographie est un outil on ne peut plus précieux dans le relevés des fouilles, le Met l'équipe de matériels professionnels extrêmement performants. En 1920, il fait partie de l'équipe qui, au sud de Deir el-Bahari, découvre la tombe de Meketrê (TT 280). Il documentera la découverte de façon remarquable. Son travail est connu et reconnu. L'un de ses collègues (anonyme, malheureusement) fera de lui ce bel éloge empli d'humour et de reconnaissance : "un homme parfaitement adapté aux affaires archéologiques, vous savez, l'isolement, les locaux exigus, la capacité de travailler parfois avec un groupe de personnes aussi fascinantes que des traverses de chemin de fer…".
"Tombs of Meketre and Wah. Photograph by Harry Burton", 1920 (MC 185).
Archives of the Egyptian Expedition, Department of Egyptian Art.
 

Lord Carnarvon et Howard Carter entretiennent de très bons rapports avec le Met. Aussi, en novembre 1922, lors de la découverte de la tombe de Toutankhamon, c'est tout naturellement que Carter pense à intégrer Burton à son équipe. 

Début décembre, il envoie ce câble à Albert Lithgoe : "Découverte colossale. Besoin toute aide possible. Pensez-vous pouvoir envoyer Burton pour faire des relevés photographiques dès maintenant ?" Et la réponse qui va sceller une belle part du destin de Burton arrive rapidement "Trop ravi de pouvoir vous être utile. N'hésitez pas à recruter Burton ou tout membre de notre équipe". Ainsi, pour l'énorme tâche qui est à accomplir, Carnarvon et Carter s'entourent d'éminents spécialistes comme Alfred Lucas, Arthur Mace, James Henry Breasted, Alan Gardiner, Arthur Callender, Percy Newberry,… Pendant des mois, pour certains des années, ils listent, sortent, décrivent, consolident et protègent les trésors que la KV 62 ne cesse de livrer. Harry Burton est, avec Alfred Lucas, celui qui restera le plus longtemps près de Carter : près de dix années...
25 janvier 1923 - Arthur C. Mace, Rex Engelbach, Howard Carter, Alfred Lucas, Arthur Callender, Harry Burton.
Tous travailleront pour Lord Carnarvon et Howard Carter dans la tombe de Toutankhamon 
Image by © Bettmann/CORBIS

La tombe est exiguë, les conditions de travail extrêmement difficiles. Il utilise une "caméra tripode" à plaques de verre à large format. La luminosité doit être parfaitement étudiée pour restituer le moindre détail. Il installe des projecteurs, des miroirs, des réflecteurs. Il se rendra même jusqu'aux studios d'Hollywood pour se familiariser avec les dernières techniques en matière d'éclairage …
Dans des conditions de travail souvent difficiles liées notamment à l'étroitesse de la tombe, Harry Burton prendra plus de 14.000 clichés
documentant pas à pas le déblaiement de la tombe de Toutankhamon
nous laissant ainsi un témoignage d'une valeur inestimable

Dans son ouvrage "La Fabuleuse découverte de la tombe de Toutankhamon", Howard Carter rappelle comment, dès le début, il organisa le travail : "Il fallait avant toute chose prendre une série de photographies panoramiques pour fixer l'apparence générale de la chambre. Nous disposions en tout et pour tout, pour nous éclairer, de deux projecteurs portatifs d'une puissance de trois mille candela. Le temps d'exposition était évidemment assez long, mais la lumière était beaucoup plus uniforme qu'avec un flash - procédé dangereux dans une chambre si encombrée. Heureusement pour nous, non loin de là se trouvait une tombe vide, sans décoration, la cachette d'Akhénaton découverte par Davis. C'est là que Burton s'établit avec son matériel après que nous eûmes obtenu du gouvernement la permission de l'utiliser comme chambre noire".
The Griffith Institute - Tutankhamun: Anatomy of an Excavation
The Howard Carter Archives - Photographs by Harry Burton - © Copyright Griffith Institute, 2005

Harry photographie, "in situ", les plus de 5398 artefacts (mobiliers, bijoux, statues, vases, éventails, cannes, armes, chars, … etc), dans un premier temps en vue générale, puis en groupe d'objets, puis individuellement.

Son travail est scientifique, technique, ardu mais il le fait avec un incroyable talent. "Bien plus que des archives scientifiques, les photographies de Burton inspirent également un sentiment d’émerveillement en raison de son aptitude à raconter une histoire - à transmettre l’atmosphère d’une tombe qui n'a pas été ouverte depuis plus de trois millénaires, le caractère saisissant d’un motif floral, d'une offrande laissée au pied d'un cercueil … Burton était un superbe photographe archéologique doué pour la production de photographies claires et informatives dans les conditions les plus difficiles. Dans le cadre de sa mission documentaire, il a souvent installé son appareil photo et ses lumières avec un sens artistique et pratique, et a créé des images que nous trouvons belles, excitantes ou mystérieuses" (Catharine H. Roehrig et Malcolm Daniel, "Harry Burton (1879-1940) : The Pharaoh’s Photographer").
Pendant près de 10 ans, auprès d'Howard Carter, Harry Burton a pris plus de 14.000 clichés documentant pas à pas le déblaiement de la tombe de Toutankhamon, nous laissant ainsi un témoignage d'une valeur inestimable

Il saisit aussi, sur le vif, l'émerveillement, l'énervement, parfois la fatigue des découvreurs … A la demande de Carter, il prendra un cliché d'un jeune garçon, Hussein Abd el-Rassoul, fils d'une famille très connue de Gournah, paré de l'un des magnifiques pectorals du jeune roi… Cette photo, belle et émouvante, était d'ailleurs en bonne place à l'exposition "Toutankhamon, trésors du pharaon d'or" …

Le 30 janvier 1923, Le "Times" publie les premières photos d'Harry Burton  prises dans la tombe, puis, le 21 février 1923, en exclusivité, 142 clichés.
Suite au contrat signé par Lord Carnarvon avec le "Times", le 9 janvier 1923, les premières photos d'Harry Burton
prises dans la tombe y sont publiées le 30 janvier 1923, suivies, le 21 février 1923, de 142 clichés en exclusivité

Les relations avec Carter seront parfois difficiles … Harry avouera : "Cet homme est tout à fait impossible ! Mais je dois avouer qu’il m’a montré comment prendre une photo que je pensais impossible". 

Mais, au-delà de cela, une estime réciproque les liait très certainement, nourrie par le partage d'épreuves difficiles et de moments inoubliables… 

Ainsi lorsque, en 1931 Carter en est venu "à rédiger son testament, il choisit comme exécuteurs parmi ses amis et collègues, Harry Burton et Bruce Ingram … un couple étrangement assorti mais représentant des différentes facettes de sa vie. Du côté égyptologique, Burton était peut-être un choix évident. Il n'était pas exactement un ami proche mais il travaillait étroitement avec Howard Carter depuis dix ans ; il connaissait sa vie égyptienne, et Louqsor en particulier ; il serait ainsi probablement sur place en Egypte pour gérer la liquidation de la succession" (T.G.H. James, "The Path to Tutankhamun").
Harry Burton à gauche, aux côtés d' Howard Carter sur le perron du Winter Palace à Louqsor :
 deux noms associés à jamais à la découverte de la tombe de Toutankhamon

Howard Carter meurt, à Londres, le 2 mars 1939. A ses deux exécuteurs testamentaires, il laisse £E 250. Dans sa maison de Thèbes (Carter's house), léguée au Metropolitan Museum, Harry Burton ira récupérer, avec l'émotion que l'on devine, "sa dernière boîte de couleurs". Il aura cependant peu de temps pour conseiller Phyllis Walker, nièce du découvreur et principale héritière…  

En effet, quelques mois plus tard, il tombe malade alors qu'il travaille à Thèbes. Il est transporté à l'hôpital américain d'Assiout où il meurt, à 61 ans, le 27 juin 1940. Il sera enterré au cimetière américain de la ville. 

Etait-ce sa volonté de demeurer en Egypte ? Ou bien la seconde guerre mondiale rendait-elle trop difficile le rapatriement du corps vers Florence où il possédait avec Minnie une demeure, ou vers l'Angleterre qui l'avait vu naître ? Toujours est-il que, pour perpétuer la mémoire de son mari dans son pays natal, Minnie fera don, en 1949 au British Museum, de deux oushebtis en calcite de Siptah… 
The Griffith Institute - Tutankhamun: Anatomy of an Excavation - The Howard Carter Archives - Photographs by Harry Burton
Howard Carter et un assistant penchés sur la momie du jeune roi (Burton Photo. N°. P0770)

 

Les photos d'Harry Burton (plus de 14.000) nous enchantent, nous ravissent, elles nous permettent, par son œil avisé, d'être témoins de ces incroyables moments, d'être au cœur de la pharaonique découverte… Elles ont été déposées à l'University of Oxford ainsi qu'au Griffith Institute. Certaines d'entre elles ont été colorisées en 2015.

Il est à noter également que le Griffith Institute a pu acquérir, le 14 juillet 2015, le "Journal intime" de Minnie Burton (décédée à Florence le 30 mai 1957). "L’agenda couvre la période du 4 mai 1922 au 20 octobre 1926 et contient des entrées quotidiennes relatant des obligations mondaines, ainsi que des événements importants, notamment les fouilles de la tombe de Toutankhamon par l’équipe de Howard Carter… Il fournit le seul récit connu rédigé par une femme présente lors de la fouille de la tombe de Toutankhamon" précise le site du Griffith Institute sur lequel il est consultable...

marie grillot


sources :
John Romer, Histoire de la Vallée des Rois, Vernal, Philippe Lebaud, 1991
Thomas Garnet Henry James, Howard Carter, The path to Tutankhamun, TPP, 1992
https://archive.org/stream/HowardCarterThePathToTutankhamunBySam/Howard+Carter+The+Path+to+Tutankhamun+By+Sam_djvu.txt
Catharine H. Roehrig, Malcolm Daniel, Harry Burton (1879-1940):  The Pharaoh’s Photographer, in Heilbrunn Timeline of Art History. New York: The Metropolitan Museum of Art, janvier 2009
http://www.metmuseum.org/toah/hd/harr/hd_harr.htm 
Nicholas Reeves, Richard H. Wilkinson, The complete Valley of the kings, The American University in Cairo Press, 2002
Nicholas Reeves, Toutankhamon, vie, mort et découverte d'un pharaon, Editions Errance, 2003
Howard Carter, La fabuleuse découverte de la tombe de Toutankhamon, Pygmalion, 2011
Morris L. Bierbrier, Who Was Who in Egyptology, London, Egypt Exploration Society, 2012
John M. Adams, The Millionaire and The Mummies, Theodore Davis's Gilded Age in The Valley of The Kings, St. Martin's Press, New York, 2013
https://archive.org/details/themillionaireandthemummiestheodoredavissgildedageinthevalleyofthekingsst.martin/page/n1/mode/2up
Griffith Institute, The diary of Minnie C. Burton, The woman behind the man behind the camera : re-discovering the tomb of Tutankhamun
http://www.griffith.ox.ac.uk/minnieburton-project/
The Griffith Institute, Tutankhamun: Anatomy of an Excavation
The Howard Carter Archives, Photographs by Harry Burton
http://www.griffith.ox.ac.uk/gri/carter/gallery/
Institute for the Study of Ancient Cultures, The University of Chicago
Wonderful things! The discovery of the tomb of Tutankhamun :
the Harry Burton photographs
https://isac.uchicago.edu/museum-exhibits/special-exhibits/two-special-exhibits-oriental-institute
http://oi.uchicago.edu/gallery/discovery-tomb-tutankhamun-harry-burton-photographs#281_72dpi.png
Harry Burton
https://www.britishmuseum.org/collection/term/BIOG53161


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