samedi 9 avril 2016

Golo, le "khawaga baladi" qui dessine...


Quatre lettres et deux consonnes qui sonnent, de façon rythmée et amusante, et qui dessinent, de façon ronde, le pseudo de Guy Nadaud.
Golo est dessinateur, caricaturiste, auteur de bandes dessinées. Il partage sa vie entre Paris, Le Caire et Gournah.
Autant dire qu'il n'est plus vraiment totalement français. Ou, autant dire qu'il est à moitié "masri". "Mia-mia" très certainement !

C'est en 1968 qu'il découvre Mendiants et Orgueilleux, le roman d'Albert Cossery. Mais c'est bien plus tard (1991) que l'idée lui viendra de le "retranscrire" en images. Ce qu'il fera en plein accord et à la grande satisfaction du grand écrivain.
En 1970, Guy Nadaud découvre le Caire, le Caire "baladi", le Caire "underground", le Caire des intellos, le Caire des petits boulots, le Caire des belles mosquées, le Caire de tous les jours surtout… Autant de sources d'inspiration, autant d'idées de dessins, qui le feront revenir en Égypte souvent, de plus en plus souvent… jusqu'à s'y installer.

Dans les années 1980, il travaille pour Hara Kiri, Charlie Hebdo, l'Écho des Savanes. On retrouve aussi ses planches et dessins dans Libération ou dans le Cairo Times.
Il publie de nombreuses BD, souvent avec des scénarios de Frank. Un trait sûr, qui réussit l'incroyable challenge d'être à la fois minimaliste et fouillé. Le tout, grandi par des couleurs justes et des dialogues qui vont à l'essentiel.

Mais pourquoi tenterais-je de décrire ce qui caractérise le dessin de Golo alors qu'une personne qui le connaît certainement très bien l'a fait de façon belle et pertinente : "Le dessin de Golo est à son image, rond et chaleureux. Mais derrière l’apparente simplicité de son dessin, se cache une œuvre profonde et délicate et surtout extrêmement érudite."



L'Égypte l'inspire. Après Mendiants et orgueilleux, il adapte, en 2003, un autre roman de Cossery : Les couleurs de l'infamie. Puis, en 2004, ce sont les Carnets du Caire et, en 2009, Mes mille et une nuits au Caire.
En 2011, avec son amie Dibou, il publie Chroniques de la nécropole, un recueil magnifique qui illustre la vie facile et simple de Gournah, petit village de Haute-Égypte, accroché à la montagne thébaine, à mi-chemin entre la Vallée des Reines et la Vallée des Rois. Construit sur les tombes de la Vallée des Nobles, Gournah conjugue, dans une indicible douceur de vivre, les vestiges de l'Égypte pharaonique et la vie des fellahs d'aujourd'hui. Golo, qui y a vécu, raconte, avec sensibilité, les maisons peintes et la vie de ceux qui les habitent. Il "croque" les "figures locales" et les habille de légendes et d'histoires qui leurs sont attachées. Du cousu main en dessins.


Mais, bientôt, les maisons peintes des Gournawis voient leur triste destin scellé. Bâties sur une nécropole du Nouvel Empire, elles doivent disparaître. En 2006, débute la destruction du village. Les habitants et les amoureux du lieu regardent, impuissants, les maisons plus que centenaires tomber sous les coups des bulldozers et se déliter, retournant à la poussière. Ils regardent, les larmes dans les yeux, disparaître une page d'histoire de l'Égypte.
Par pudeur certainement, Golo ne dessinera pas, à la fin de son ouvrage, le calvaire infligé à Gournah. En témoin sensible et concerné, il laisse la place à la cruelle réalité des photos prises lors de la réduction à néant de l'un des lieux les plus authentiques d'Égypte. Une blessure, un manque, qu'il faut désormais tenter de cicatriser…

2015 voit la parution, en arabe cette fois-ci, de la BD Les couleurs de l’infamie aux éditions La Fabrica.
Avec sensibilité, avec intelligence, avec humour, avec réalisme, avec délicatesse, avec dérision, avec poésie, Golo dessine l'Égypte… et on aime ça !

Marie Grillot

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